Ah, le cinéma coréen : depuis plusieurs années, je me délecte des bobines provenant du pays du matin calme qui m’ont réservé de formidables surprises ("Sympathy For Mr Vengeance", "The Murderer", "My Sassy Girl", "The Host", "Old Boy", "Le Bon, La Brute et le Cinglé", "The Chaser","J’ai Rencontré le Diable", "Hard Day", "The Insider", "Sea Fog", "Dernier Train Pour Busan"). Alors, lorsque mon cinéma a la bonne idée de mettre à l’affiche la dernière pellicule provenant de ce nouvel El Dorado cinématographique, je ne peux que répondre présent à l’appel. Alors, "Tunnel", de quoi c’est-y que ça parle ? En rentrant chez lui, un homme (Lee) se retrouve enseveli dans sa voiture après que le tunnel qu’il venait d’emprunter se soit effondré…pitch un peu trop simple pensez-vous ? Il est vrai que l’on est à des années-lumière des films catastrophes typiques d’Hollywood qui sont à la recherche incessante du spectaculaire en passant par une course effrénée à la grandiloquence soutenue par un renfort massif d’effets spéciaux. Ici, la fameuse « catastrophe » arrive rapidement dès le début du film qui, par la suite, adopte une construction sur deux espaces : d’un côté un homme, réfugié dans la carcasse de sa voiture, qui devra survivre plusieurs jours avec un minimum de rations et le risque omniprésent d’un autre effondrement ; et de l’autre, l’avancée laborieuse du sauvetage mis en place par les secours qui se voient « dérangés » par la présence des médias et des autorités politiques. Pourtant les coréens s’étaient déjà aventurés sur le domaine du catastrophe spectaculaire (l’hallucinant et très sympathique "The Tower"), mais ici, c’est surtout l’humain qui prime : tout d’abord à travers la question de la survie du protagoniste principal qui permet de tisser du début à la fin du métrage un fil directeur rempli de tension permanente. Ensuite, par le biais des sauveteurs qui sont conscients de l’enjeu et dont l’envie de réussir peut les amener à commettre quelques maladresses malvenues en pareilles circonstances (
comme le fait de déchirer accidentellement les plans du tunnel !
). Leur volonté héroïque est représentée par leur chef (interprété par le très bon Oh Dal-Su que l’on a pu voir dans "Veteran", "Old Boy" et "Assassination"), un sauveteur qui veut rester optimiste et ne rien lâcher face à une situation de plus en plus désespérée : après tout, c’est la vie d’un homme qui est en jeu ! Puis nous avons les politiciens qui n’hésitent pas à faire du populisme avec de la récupération médiatique mais qui doivent aussi faire face à des conflits d’intérêts par le biais des enjeux financiers d’un chantier en suspend à cause du sauvetage ; ce qui nous amène donc à se poser la question de la « valeur » d’un homme. Continuons avec la presse qui s’assoie littéralement sur l’éthique dans l’unique but d’avoir un scoop, n’hésitant pas par exemple
à appeler la pauvre victime directement sur son portable, lui faisant alors perdre de sa précieuse batterie alors qu’il n’a que cela pour communiquer avec les secours !
Et pour finir, il y a la très touchante femme de Lee, incarnée par l’excellente Bae Doona ("A Girl at My Door", "The Host", "Cloud Atlas"), qui amènera les séquences les plus poignantes comme lorsqu’elle souhaite aider à son tour les sauveteurs en leur préparant à manger, ou encore cette incroyable scène de l’émission radio dont la puissance émotionnelle vous submergera. Le pauvre Lee se retrouve donc au centre d’un drame humain qui dépasse l’entendement. Avec "Tunnel", le cinéma coréen revisite avec succès un genre aujourd’hui trop stéréotypé : refusant le spectaculaire et de faire de son héros un surhomme, privilégiant l’humain et l’émotion, il constitue un joli pied de nez à Hollywood et sa course du grandiose. Après son très efficace "Hard Day", Kim Seong-Hun nous propose un second métrage avec deux visions opposées d’un même accident dont l’antagonisme parvient justement à tenir en haleine: un survival claustrophobique qui prône l’espoir d’une part et un conflit social dramatique qui bascule dans le désespoir de l’autre. Soutenu par un casting exemplaire qui joue d’une rare justesse, Kim Seong-Hun nous livre un beau drame satirique à hauteur d’homme qui n’est ni plus ni moins que l’un des meilleurs films de cette année 2017. N’hésitez surtout pas à aller le voir, surtout si vous aimez le cinéma avec un grand « C ».