Siège d’études controversées, les dernières années du cinéma coréen se résume à une mise en abime d’un état d’esprit national. Kim Seong-hoon, qui s’est déjà attaqué à la corruption policière dans la comédie « Hard Day », engage à présent son discours dans une satire de la société coréenne au sens large. Voilà bien un concept que les réalisateurs nationaux utilisent habilement afin de faire passer un message concret, sans pour autant dénaturer leur divertissement. Le genre catastrophe connait alors un nouvel essor du côté pacifique, car les productions occidentales limitent leur élan à leurs stars vedettes, sans toujours proposer une réflexion approfondie. Exit la redondance, ce scénario pourtant linéaire reste captivant, car rythmé avec un humour bien distillé dans le tempo de cette dramaturgie.
Victime d’un accident exceptionnel, un honnête père de famille se trouve piégé dans l’antre des péchés, métaphore d’un sinistre tombeau. Les piliers qui soutiennent le tunnel sont, par analogie, aussi instables que les secteurs institutionnels du pays qui sont à la peine. Face à l’incompétence des services de travaux publics, secouristes, des journalistes ou des politiciens qui cherchent à s’approprier les louanges du grand spectacle qui constitue le drame, la victime en question n’est qu’un échantillon d’une population perdue et délaissée. Ainsi, Jung-soo (Ha Jeong-woo) doit se rationner, avec un calme presque surprenant, avant de penser à la crédibilité de la situation. Pendant son sauvetage, l’espoir s’essouffle dans les efforts des intervenants. La responsabilité incombe à celui qui se destine à remplir sa mission quoi qu’il advienne, or la vérité est ailleurs. L’état d’esprit n’est pas en harmonie avec l’humanisme que l’on prétend posséder. Amputé d’éthique et de bonne foi, la pression médiatique et politique influe énormément sur le laborieux sauvetage…
En dehors de cette vitrine de débauche malaisante, on peut trouver des points positifs. Le survivant ne se montre jamais égoïste et propose même de se sacrifier pour un maigre espoir de servir er de survivre. Généreux de bout en bout, il finit tout de même par imploser moralement. Son épouse, Se-hyun (DoonaBae) ajoute alors la touche émotive nécessaire afin de satisfaire le troupeau de moutons qui tarde à la tâche. Quant au responsable des sauveteurs Dae-kyoung (Oh Dal-su), il fait figure d’empathie vis-à-vis de Jung-soo. Ils représentent le réel soutien, tant moral que physique au seul prisonnier d’un système inefficace.
Habile dans sa démarche polémique, le réalisateur lance son « Tunnel » avec clairvoyance et recul. Le débat sur l’engagement civil et humain fait rage et l’on en dépeint toutes les couleurs et à tous les goûts pour se résigne à soutenir les victimes de la société. Cela illustre l’instabilité des infrastructures coréennes dont on prend la peine de détailler les aspects péjoratifs. Tout au long de l’intrigue, on estime la valeur d’un homme, aux enjeux financiers et moraux qui touchent chaque parti, souhaitant s’illustrer sur une scène bénéfique. Le caractère humain est imparfait, on le reconnait et l’on ne revendique par le contraire. On observe avec les secouristes, tous les efforts que l’on ne saurait rattraper les erreurs, voire les incompétences à la fois individuelles et collectives.
Alors que l’on pourrait croire en une lueur d’espoir au bout du tunnel, il n’en est rien et la condition humaine rattrape ses erreurs pour les répandre de nouveau. La morale est toujours en suspens et ne permet pas de se prononcer sur la foi de l’Homme et de son engagement pour son âme, ainsi que pour ceux de son entourage.