Après une performance remarquable dans Chocolat l’an dernier, Omar Sy récidive cet automne en s’attaquant à un autre monument phare de la culture française à travers le personnage de Knock dans le film du même nom, et ce n’est pas sans déplaire.
Sans être le film incontournable de cette année, cette nouvelle adaptation de Knock ou le Triomphe de la médecine (pièce de théâtre de Jules Romains représentée pour la première fois fin 1923) se contemple avec délectation. Explications.
Nous sommes confrontés au contexte de la comédie grinçante originale, à savoir le docteur Knock, un médecin débarquant à Saint-Maurice pour succéder au docteur Parpalaid, brave honnête homme mais dont la clientèle est extrêmement rare. C’est alors que Knock va convaincre ses patients que « les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent », comme il le dit lui-même dans le film, et ainsi assurer sa fortune.
Nous retrouvons également d’autres citations parmi les plus célèbres du médecin, telle que « Ne confondons pas. Est-ce que ça vous gratouille, ou est-ce que ça vous chatouille ? »
C’est donc ainsi que nous assistons au triomphe de la médecine par le biais du Dr Knock qui en fait son commerce. Les patients morts sont désormais considérés comme des patients perdus. D’ailleurs, ils ne sont plus perçus comme tels mais comme des clients.
Toutefois, dans cette version de Lorraine Levy, le cadre est légèrement différent. Le film va plus loin que l’adaptation de Guy Lefranc (dernière en date remontant à 1951, quatre au total), qualifiée de « pièce filmée » selon Omar.
Ici le village tout entier existe et chaque personnage a une place qui lui est propre et une vraie fonction.
C’est le cas pour Knock par exemple, plus profond que dans l’œuvre originale avec une histoire plus travaillée. Le long-métrage, se situant dans les années 50, débute avec une course-poursuite dans les égouts. Knock est alors un délinquant devant beaucoup d’argent. Il parvint à prendre la fuite sur un bateau et c’est à cet instant qu’il découvre qu’il y a de l’argent à faire en faisant médecin. De là il y prend goût et débarque quelques années plus tard au village de Saint-Maurice.
Nous avons donc un personnage avec un passé plus développé qui influencera sur son futur mais également un côté sentimental dont on n’avait pas connaissance.
A noter également qu’ici c’est le curé du village qui sera son antagoniste au cours du film, une autre différence notable avec l’œuvre originale, avec en plus l’usage de la couleur, qui est ici un moyen supplémentaire dans les possibilités expressives et esthétiques.
Enfin, à l’opposé de la pièce de théâtre plutôt aigre, cette version met davantage l’accent sur l’humanité, la poésie à travers des messages positifs et de la romance.
Autour de la problématique de la médecine est aussi abordé le questionnement du lien social. Knock arrive dans cette petite commune où tout le monde est seul repli sur soi-même et il va chambouler tout ça. Bien que les Mauriciens se demandent parfois s’il est là pour l’argent ou la médecine et qu’ils s’interrogent quant à sa légitimité à exercer sa profession malgré son passé douteux, Knock va tout de même réussir à créer un vrai lien social entre les habitants, ce qu’il expliquera lui-même dans l’une des scènes les plus marquantes du film.
Concernant le jeu d’acteur, Omar Sy fait encore des siennes. L’acteur est de nouveau capable de se plonger dans un rôle qui lui est inconnu mais parvient à innover en livrant une grosse prestation. A noter tout de même Christian Hecq, hilarant et délirant dans le rôle du facteur.
A propos de la mise en scène, nous avons la joie de contempler des beaux plans de la nature, similairement à ce que nous pouvons éprouver devant The Young Lady de William Oldroyd.
Cette dernière contient aussi des petits airs de Demain tout commence de Hugo Gélin. Ceux qui l’ont vu remarqueront aisément que les scènes les plus déchirantes des deux films sont très semblables. Egalement présente dans Demain tout commence, on retrouve également une petite touche de comédie, que ce soit dans des comiques de situations, des quiproquos ou encore des jeux de mots, toujours dans des scènes avec Omar.
Voilà le constat que nous pouvons faire de cette nouvelle version de Knock 2017. Un film à prendre consciencieusement en considération, car, autour de son scénario long à se mettre en route qui pourra en lasser certain, Lorraine Levy, à l’aide d’une mise en scène surprenante portée par Omar Sy, suscite de vrais questions sociétales et nous fait (re)découvrir un aspect novateur de la médecine, art pour certains, science pour d’autres.