Brad a 47 ans. Il a apparemment tout pour être heureux, il est à la tête d'une ONG, sa femme, une fonctionnaire, est remarquable et le soutient, son fils est un petit génie qui est sur le point d'être admis dans une grande université, probablement Harvard. Mais Brad déprime. Il n'arrête pas de se comparer à ses amis d'université qui, estime t il, ont mieux réussi dans la vie que lui. Ils sont très riches, ont intégré le club très fermé des 'one percent', on parle d'eux constamment dans les médias et ils mènent la belle vie. Du moins c'est ce qu'il croit. Il se rend à Boston avec son fils, Troy, qui doit passer des entrevues dans des universités. Plus jeune, il a fait ses études la-bas, à l'université de Tufts. Brad se retrouve ainsi face à ses démons.
Ce personnage qui est un privilégié ( blanc, de classe moyenne, citoyen d'un pays dominant ), il en est conscient d'ailleurs, est très humain et beaucoup se reconnaîtront en lui. Ces anxiétés sont ceux de tout le monde. Est-ce qu'on est à la hauteur ? Est-ce qu'on a fait les bons choix ? Qu'est-ce qu'on vaut ? Quel est le regard des autres sur nous ? On suit son cheminement avec un sourire aux lèvres et des larmes aux yeux. Ainsi, il fantasme la vie de ses amis, en puisant dans des images vues sur les réseaux sociaux, des vies évidemment grandioses mais qui sont essentiellement vides, il le découvrira ensuite. Il rêve d'une vie idyllique, sur une île, sous les cocotiers, avec deux jeunes amies de son fils. La scène où on le voit courir sur une plage avec ces jeunes femmes est plus que cocasse, on se croirait à Bollywood, un Bollywood capable de s'auto-parodier. Mais ces désirs sont teintés d'ironie et de sarcasme, il sait pertinemment ce qu'ils sont, des chimères. La force du film tient au monologue intérieur du personnage, une belle voix, pleine de nuances qui navigue entre désespoir, orgueil, bonheur ou encore regrets. Cet homme, au fond, se cherche et cherche le sens à sa vie, qui n’arrête pas de lui échapper. Il a passé l'âge de l'idéalisme, il est un peu cynique mais il a toujours la foi. Il est fort mais cette force masque une profonde vulnérabilité. Il jouit du bonheur d'une vie tranquille mais sait que l'envers de ce décor est surement la médiocrité. Il veut que ses amis l'aiment et le respectent mais il est conscient que cela n'a aucune importance. Il est lucide et irrationnel. Il gagne sa vie correctement, méprise les riches, ce qui ne l'empêche pas de vouloir s'enrichir au point de souhaiter la mort de ces beaux-parents afin d'empocher leur fortune ! L'aveu d'amour de son fils, à la fin du film, qui pourrait être l’épiphanie tant attendue le rend apparemment encore plus déprimé. Il n'en est pas à une contradiction près. Mais ne sommes-nous pas tous ainsi ? Qui peut prétendre être tout à fait cohérent ? L'homme est l'objet de sa propre contemplation et il ne peut se connaître hors de sa propre subjectivité et du regard, toujours inachevé, de l'autre.
Ce film lassera plus d'un. Il est lent, la trame est minimaliste et il évite de nous donner des réponses claires. C'est sans doute son plus grand mérite. L'art ne sert pas à nous conforter mais plutôt à susciter des questions, à nous toucher, à nous ébranler. Elle met en lumière notre condition toute humaine.