Marivaux et Molière s'invitent en Egypte dans cette jolie fable d'amours secrètes, de négociations, de menaces et de fêtes. Le cinéma fait voyager et c'est tout le mérite de drôle de ce film, tourné à la manière d'un tableau de Rousseau ou d'une pièce de théâtre. Les couleurs sont très vives, les personnages avec leurs récits amoureux, se mélangent à ce village exotique et délicat, où le spectateur a soudain le sentiment d'ouvrir une page de littérature française, mais près de deux siècles avant nous. Le réalisateur parvient à exhaler de son film les innombrables odeurs qui peuplent ce village. Car, "Le Ruisseau le Pré vert et le doux Visage" est un voyage dans l'alchimie culinaire d'un village égyptien. On y découvre avec délectation mille et un plats, dont certains ne trompent personne quand on remplace par exemple le thym par la coriandre. En ces temps troublés au Nord de l'Afrique, le long métrage propose une image joyeuse d'un pays musulman dont on ne peut ignorer les traumatismes qu'il traverse. Les femmes se dévoilent pour danser, elles charment les hommes, trompent leur mari, se marient en secret, se disputent et montrent, non sans joie du réalisateur, que c'est elles qui façonnent le monde. On regrettera une histoire un peu complexe, des longueurs qui auraient mérité quelques coupes au montage, mais malgré tout, c'est un film réjouissant et succulent comme ces grandes marmites où, tour à tour, l'on transporte les femmes mariées et les vieilles dames, ou l'on y prépare les viandes et les épices.