S’il n’est pas complètement réussi, « Numéro une » a le mérite de nous montrer un milieu pas forcément glorieux et de plus en plus décrié, celui du grand patronat et des hautes instances du pouvoir économique. Il ne faut pas s’attendre à un portrait à charge, ce n’est pas le sujet du film, mais ce milieu semble ausculté avec beaucoup de finesse et de réalisme. Cela donne ainsi envie d’en savoir plus et lui ajoute une part de mystère, le rendant encore plus inaccessible après la projection. Le nouveau long-métrage de Tonie Marshall, qui s’était fourvoyée dans l’imbuvable comédie romantique « Tu veux ou tu veux pas ? » et change ainsi radicalement de registre, est donc très intéressant. Sans pour autant décortiquer les élites économiques et politiques, tout autant que les réseaux d’influence les reliant, le film en donne un très bon aperçu. Il nous montre par le biais de quelques séquences clés la manière dont interagissent entre eux une pléiade d’intervenants qui ont les clés du pouvoir. Ce qui aboutit à une conclusion tristement évidente, c’est un milieu fermé et opaque fait de passe-droits, de manipulations et d’arrivisme. C’est ce versant de « Numéro une » qui est le plus réussi, notamment dans une seconde partie plus soutenue, où le film flirte avec les atours du thriller. Le fait qu’une femme puisse intégrer un milieu habituellement dévolu aux hommes perturbe quelque peu ce petit monde et permet d’aborder en filigrane autant les clubs féministes que les cabinets de consulting, les hautes sphères du CAC 40 que les coulisses du pouvoir. Bref, on a un bon et juste aperçu des arcances décisionnaires.
Dommage que la première partie patine quelque peu, avec beaucoup de longueurs et surtout un propos quelque peu nébuleux fait de beaucoup de patronymes et d’informations qu’il est difficile de retenir et d’assimiler. De plus, « Numéro une » verse inutilement dans cette première heure dans quelques saillies documentaires nous montrant ce qu’est le travail d’une femme arrivée à un haut poste de commandement. Mais Marshall n’arrive pas à rendre ces scènes digne d’intérêt ce qui a pour effet de freiner la progression du scénario sur sa partie la plus réussie : l’accession d’une femme a un poste clé du pouvoir pour la première fois. On reste même sur notre faim sur cette seconde (et meilleure) partie et on se rend compte qu’un tel sujet aurait pu faire l’objet d’une série télévisée tant le sujet est vaste et ceux en rapport très nombreux. De même, il y a quelques scènes dont on aurait pu se passer et l’ajout d’un trauma d’enfance inapproprié pour le personnage principal, source d’images inutiles. Ensuite, la mise en scène de la cinéaste est peut-être trop télévisuelle justement, et parfois même paresseuse. Ce n’est pas sur le plan formel que « Numéro une » nous éblouira. Enfin, s’il n’est pas forcément féministe, on a du mal à cerner de quel côté se range la réalisatrice sur ce point particulier. Car, finalement, le sujet du film était bien la place des femmes au sein des très grandes entreprises. Dans tous les cas on saluera la composition tout en finesse de Richard Berry dans un second rôle croustillant et pervers pour une œuvre complexe et pas destinée à tout le monde. Elle passionne néanmoins sur certains points et donne envie d’en savoir plus sur les arcanes de tout là-haut.