Le film du réalisateur italien Stefano Savona a reçu au dernier festival de Cannes, le prix Œil d’or du meilleur documentaire…Car Samouni Road est un documentaire et non une œuvre de fiction et mérite amplement cette distinction…pour son sujet d’abord, un des drames de la bande de Gaza, et son découpage très original. Le 27 décembre 2007, l’armée israélienne lance l’opération « Plomb Durci » sur la bande de Gaza, d’abord débutée par des raids et des bombardements aériens, puis aux premiers jours de janvier 2008 poursuivie par une offensive terrestre. Au cours de cette offensive, une unité d’élite de Tsahal s’attaque à un village plutôt calme, le village de Zeitoun, habité par des agriculteurs et notamment le clan Samouni, qui perdra 29 des siens, verra ses champs d’olivier dévastés, ses maisons rasées au bulldozer…suscitant une large réprobation de l’opinion internationale…les survivants du clan ont fait l’objet d’interviewes, toutes les tendances palestiniennes ont cherché à s’approprier ces « martyrs » qui ont fini par retomber dans l’oubli. Stefano Savona a pu rejoindre cette région après le retrait des israéliens, et rencontrer cette communauté de paysans, jusque là épargnée par soixante ans de conflits et d’occupation, confrontée pour la première fois à une tragédie sans précédent. Il a filmé leur situation après ce massacre puis est revenu une année plus tard pour appréhender le début d’une reconstruction, la reconquête d’une partie de leurs champs et redonner une note d’espoir, comme ce mariage prévu au moment de l’attaque israélienne et célébré un an plus tard…Comme dans le Capharnaüm de Nadine Labaki, c’est au travers les yeux d’une jeune fille d’une douzaine d’année, Amal, laissée pour morte dans l’attaque, blessée à la tête par des éclats d’obus, sortie miraculeusement des gravats, qu’est fait le lien entre l’avant et le présent..Son visage lumineux, ses rires et sa spontanéité laisse un signe d’optimisme dans cette réalité implacable…Comme Stefano Savona n’a pu filmer l’intervention israélienne, il a demandé au graphiste et réalisateur de films d’animation italien Simone Massi de lui fournir des images d’animation basées sur la technique de la carte à gratter, procédé qui part d’une surface entièrement noire, qui par une succession de traits fait apparaitre la lumière… ses dessins ont à la fois un coté onirique et réaliste et reconstituent les souvenirs des protagonistes et se raccordent parfaitement aux prises de vues réelles…les personnages sont recréés dans une version animée…peut-être moins convaincant est le recours à des drones et à des caméras thermiques pour récréer la réalité de l’attaque israélienne, réalité recréée à partir des témoignages des survivants, ou des rapports es organisations humanitaires, comme si nous étions à la place des opérateurs israéliens. Filmant au plus près les rescapés et recréant rigoureusement leur tragédie (basé sur le rapport Goldstone, rapport de la mission internationale indépendante d’établissement des faits, rédigé à la demande du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies) Stefano Savona illustre la parabole, universelle, intemporelle, des innocents broyés par les guerres. Il n’esquive pas de souligner au passage les tares rémanentes de l’enclave sous blocus : poids des factions politiques, martyrologie étouffante, désœuvrement d’une jeunesse privée d’issue et d’avenir… Ce documentaire est tout simplement sidérant et implacable…A voir !!
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