Présenté dans la catégorie « Regards du Présent » lors du FIFF 2016, le dernier long métrage de Louis Bélanger a de quoi surprendre.
En effet, « Les mauvaises herbes », film québécois, présente l’histoire de trois personnes d’horizons totalement différents, contraints de cohabiter ensemble et de s’adonner à la culture de cannabis.
Jacques, acteur de théâtre, se réfugie chez Simon après une course poursuite avec les hommes de main de son créancier. Détenteur du secret de Simon, il se voit victime d’un chantage important : aider le vieux fermier à mener à bien sa récolte de cannabis en échange de son silence. Un coup de fil suffit pour que ses poursuivants déboulent dans la ferme isolée et retrouvent l’endetté. Et puis arrive Francesca, releveuse de compteurs électriques pour la compagnie Hydro-nord. Sa curiosité lui vaut d’être elle- aussi prise en otage en échange de belles rémunérations pour ses bons et loyaux services…il faut dire que la jeune femme a bien besoin d’un petit coup de pouce financier. Le décor est planté, voilà donc nos trois protagonistes, réunis pour le meilleur… et pour le pire.
Louis Bélanger a choisi de tourner ce film pour deux raisons principales. La première est qu’il voulait réaliser un film sur fond d’hiver vigoureux, comme seul le Canada peut en offrir. Le réalisateur explique que « beaucoup de films se tournent dans le pays mais combien se font sur fond d’hiver ? C’est pourtant un temps fort de l’année ! ». L’isolement de la ferme accentue les paysages blancs, offrant une vue sur la désolation et le silence des contrées du Grand Nord.
La deuxième raison est qu’il souhaitait présenter l’économie parallèle que constitue la culture de cannabis. Plus répandue qu’on ne le pense, cette activité fait (bien) vivre quelques canadiens audacieux et entreprenants et ce, depuis de nombreuses années. Si le sujet peut sembler grave de prime abord (deux personnes retenues contre leur gré et contrainte de travailler dans un champ de marijuana), il n’en est rien.
Louis Bélanger a eu la bonne idée de ponctuer son histoire de touches d’humour récurrentes et de dédramatiser des situations plutôt inquiétantes (
on pense à l’étrange discussion qui a lieu entre Francesca et Simon lorsque celui-ci est alité
). Loin d’être une grosse comédie, le film canadien a aussi de beaux messages porteurs : la solidarité qui se met en place entre les différents personnages, la générosité des uns, la confiance des autres… Leur relation évolue à un point tel qu’ils forment presque une bande d’amis (ou une famille), ce qui était inimaginable si on suit le postulat de départ.
Pour que l’équilibre fonctionne, Bélanger (qui est un habitué du festival) s’assure les services de son ami et co-scénariste Alexis Martin (également acteur principal du film). Issu du monde du théâtre, ce dernier a le sens de la mise en scène et apporte une belle valeur ajoutée à ce (presque) huit- clos maîtrisé. Notons par ailleurs que les deux comparses s’étaient déjà retrouvés sur le précédent long-métrage de Bélanger où ils arpentaient la « Route 132 » l’un avec l’autre.
« Les mauvaises herbes » est une belle ouverture sur le cinéma québécois que l’on connaît finalement mal, exception faite du travail de Xavier Dolan qui fait beaucoup parler de lui. Et tant que nous sommes à citer quelques grands noms de vedettes locales, évoquons le casting de choix de ce film.
Alexis Martin (dont nous venons de parler), est celui par qui tout démarre. Fuyant les gros ennuis, il atterrit au milieu de nulle part, en habits de marquis. Son jeu comme son attitude non verbale servent à merveille l’histoire incongrue du duo de scénaristes.
Son séquestreur est interprété par Gilles Renaud. Sorte de Jonathan Banks (Mike dans la série « Better Call Sall »), il a une gueule, un style bien à lui. Distant sans vraiment être méfiant, il exerce une pression morale sur ses « victimes » presque consentantes. Le charisme du bonhomme est impressionnante et ses touches d’humour d’autant plus surprenantes.
Enfin, Emmanuelle Lussier-Martinez est Francesca, femme fragile et téméraire.
Complètement paniquée dans les premiers instants, elle finira par devenir la tête bien pensante du trio inattendu
. En arrière plan, Luc Picard (comme les surgelés), vient çà et là ajouter une petite dose de stress dans la vie des protagonistes.
Le réalisateur de 52 ans a déjà une jolie filmographie derrière lui. « Post mortem », « Lauzon Lauzone », « Gaz Bar Blues », « Génie du crime » en témoignent. Ce premier contact avec son univers cinématographique nous donne l’envie de nous plonger dans ses films passés et voir si ses autres réalisations sont dans la même veine et de la même qualité. Si l’on ne sait pas encore si « Les mauvaises herbes » sera distribué en Belgique, une chose est certaine : cette brève rencontre, aura au moins eu l’avantage de nous ouvrir de nouvelles portes d’un cinéma que nous n’aurions peut-être jamais abordé… et rien que pour cela, on se devait de vous en parler.