Patrick Bateman est un personnage tellement fascinant et captivant, qui inspire des sentiments curieusement paradoxaux, à la fois de l’intimidation et de l’attachement, de la pitié et du dégoût. C’est un homme d’un narcissisme déroutant et d’un perfectionnisme maladif, à tel point qu’il joue un rôle dans sa propre vie. Un rôle dans lequel l’obsession d’être le meilleur est irrépressible, de la plus belle montre au plus bel appartement en passant par le plus beau costard ou encore la plus belle carte de visite, une représentation parfaite de la société de consommation et du paraître que nous offre Wall Street. C’est une caricature (ou pas) du golden boy, égocentrique, abus de lui même et détestable, faisant de longs discours dans l'unique but de s’écouter parler, et ça en devient même comique « Don’t touch the watch ». Mais c’est là qu’est la tristesse du personnage, Patrick Bateman n’existe pas, ou du moins qu’en apparence « There is an idea of a Patrick Bateman. Some kind of abstraction. But there is no real me. Only an entity, something illusory ». Le véritable lui n'est qu'un psychopathe dépourvu de compassion, dédaigneux, méprisant le monde et les gens qui l’entourent « I have all the characteristics of a human being : flesh, blood, skin, hair. But not a single clear identifiable emotion, accept for greed and disgust ». Et là où Mary Harron a été formidable c’est que l’on arrive quand même à éprouver de la sympathie pour lui, et une forme d’admiration malsaine. Même le spectateur réussi à se faire duper par son jeu d’acteur au point de percevoir de la culpabilité, mais encore une fois ce n’est pas réel « I killed Paul Allen, and I liked it ». En revanche, en dehors de sa face cachée répugnante, il possède une culture incroyable notamment en matière de musique, c’est un mélomane. C’est plutôt intéressant d’ailleurs de le voir écouter des chansons à l’opposé de son être, c’est à dire expressives et joyeuses, un contraste plutôt surprenant avec son manque d’émotion. La scène de « Walking On Sunshine » illustre parfaitement mes dires. Il compense toute son absence de sensibilité par la musique qui, elle, lui en procure, notamment par Phil Collins, Whitney Houston, Genesis ou encore Huey Lewis and The News. D’ailleurs la scène avec Jared Leto sur "Hip To Be Square" est excellente, Christian Bale possède un jeu d'acteur incroyablement propre et précis, jouant à la perfection son rôle avec une telle maîtrise de ses mouvements. Son attitude à la fois enjouée et contrôlée, et tout son speech sur le groupe,c’est juste hilarant. Puis le « Hey Paul » est magnifique. Il y a beaucoup d’autres moments très amusants, lorsqu’il parle avec passion de tous ses tueurs en série favoris comme Ted Bundy par exemple. Patrick Bateman est très complexe, et il n’existerai pas sans l’époustouflant Christian Bale qui nous offre une performance dingue. Il a réussi à capter le personnage d’une manière si exacte, que ce soit les expressions, le regard, l’attitude ou la façon de parler, tout y est. Et ses moments de folie sont tellement prenants et intenses. C'est un thriller horrifique qui s’avère même être très gore, la scène où Christie essaye de s’échapper est cauchemardesque. Bale est absolument glaçant, tout comme Cara Seymour qui est impressionnante. Le suspense et l’horreur de ce film sont également largement appuyée par l'horrifiante bande-son de John cale qui apporte aussi ce côté mondain en parfaite adéquation avec l’univers et l’ambiance « haute société » de Wall Street. La fin est très réussie, plutôt implicite mais juste assez explicite pour comprendre. Mary Harron ne s’y attarde pas, on reste bouche bée en remettant tout le film en question. Mais surtout cette fin rend le personnage de Patrick Bateman d’autant plus pathétique et tragique, il est et restera à jamais prisonnier du rôle qu’il s’est inventé, sûrement trop lâche pour passer à l’acte. Je finirai sur ses dernières paroles qui reflètent parfaitement sa frustration et son vide émotionnelle pathologique « My pain is constant and sharp, and I do not hope for better world for anyone. In fact, I want my pain to be inflicted on others. I want no one to escape. But even after admitting this, there is no catharsis. My punishment continues to elude me, and I gain no deeper knowledge of myself. No new knowledge can be extracted from my telling. This confession has meant nothing. ».