Dévaster la Terre, mais surtout l’Amérique, est devenue le luxe du cinéma de Roland Emmerich, qui pousse toujours plus loin les curseurs et repousse autant les horizons de son spectacle visuel. Cette fois-ci, il repart décrocher la lune pour des spectateurs, qui n’attendent que démesurent et un plaisir jouissif à décomplexé, pour se convaincre que l’on peut également décrocher de toute la bouillie numérique, qui ne prend plus effet. Ce n’est pas forcément un hasard qu’il revienne sur l’irritable « Independence Day : Resurgence », en lui piquant ses effets anti-gravitationnels et sa lune démoniaque. Pourtant, le problème est là sous les yeux du metteur en scène et déjà dans les esprits d’un public qui ne découvrira rien de plus original dans son approche.
« Le jour d’après » et « 2012 » sont des arguments de poids, lorsqu’il s’agit de placer un petit groupe d’individus face à la nature, impartiale ou presque, car il faut bien une famille soudée pour survivre à une telle apocalypse. Rien à voir avec « Melancholia » de Lars Von Trier, ni avec « Fusion » de Jon Amiel ou d’un point de vue plus éloigné à « Armageddon” et « Deep Impact”. Le cinéaste allemand continue de façonner son univers sur des bases acquises et se contente de cela, en propulsant des personnages désincarnés ou absurdes au possible, pour le compte d’un festival d’explosions, d’inondations et autres bourrasques, qui ne peuvent plus tromper le dernier venu. Jocinda Fowler (Halle Berry) et Brian Harper (Patrick Wilson) semblaient former un duo incassable, malgré les épreuves. Et au final, c’est bien Fowler qui en fait les frais, jusqu’à devenir une ombre, éclipsée par son camarade masculin, véritable pantin qui se prend au sérieux dans ce grotesque voyage dans la lune.
Quand bien même Brian aurait beau se montrer exemplaire, comme astronaute ou comme un père déchu, Emmerich peine à rendre sincère son engagement. Il affuble plutôt son récit d’un geek intercosmique, Houseman (John Bradley), à la limite de l’humanité, qu’il puisse dégager au premier abord. Lui également ne trouvera pas une place au Panthéon, même au sein des bons complotistes, tout comme d’autres personnages secondaires, qui ne parviennent pas à justifier leur présence, si ce n’est pour combler un véritable vide dans une intrigue qui sonne creux. La matière qui donne au film catastrophe sa radicalité et sa sensibilité, c’est bien évidemment l’humain derrière. Pourquoi nous priver d’un dézoom sur la planète, où la jungle humaine pourrait s’autodévorer pour des raisons suffisantes ou s’élever dans un élan épique ? Sans ce recul, le film trace une trajectoire sans détour et fonce vers sa propre bêtise, dont il est fier de revendiquer.
Pas de destruction de masse, mais plutôt du déménagement de gratte-ciel à haute altitude. Cela ne fait ni le pain ni le beurre et « Moonfall », qui chute aussi rapidement qu’il aura fini d’exposer toutes ses problématiques, en s’accordant toutefois quelques contradictions pour agrémenter une tension artificielle et encore sans conséquence. Emmerich semble dépassé par cette co-production sino-américaine, qui brasse tout l’air dont il a besoin pour s’exprimer et rester dans une cohérence tolérable. Il n’y aura que des mauvaises surprises par ici et ce n’est pas en remettant en question toute la chronologie de l’humanité que l’on parviendra à récupérer un spectateur, déjà dans le coma ou qui pensera déjà à plier bagage pour une meilleure destination.