« Une vie cachée » atteint de véritables sommets quant à la beauté dégagée par chaque image !
Terrence Malick a décidément un œil d’une sensibilité rare, et sa photographie nous plonge dans un état de grâce, un vrai phénomène en soi qui se renouvelle tout au long de son film...
C’est vrai que tout est magnifique, du paysage minéral et embrumé d’une Autriche superbe, aux visages sublimés par lesquels passent un nombre d’émotions incroyables (jusqu’à toutefois exagérer et étirer les cadrages, avec le danger de déformer les proportions de ses personnages) !
Émotions sur lesquelles le réalisateur mise beaucoup en nous les procurant à chaque instant, et avec lesquelles il va presque nous éblouir et nous bluffer visuellement, tout en réveillant nos différents sens...
En effet, le réalisateur sait à ce niveau parfaitement nous interpeller, Franz Jägerstätter et sa famille seront ainsi un excellent sujet d’étude en terme de réflexion quant aux limites de nos convictions et de notre détermination personnelle...
Au sein de ce foyer au début des années 40, tout est ici affaire de délicatesse, de tendresse et d’amour alors que vient s’immiscer dans crier gare, les affres de la guerre et l’idéologie nazi !
Terrence Malick sait très justement faire planer ce bonheur pur et simple, en le magnifiant à sa façon, afin de mieux créer cette fracture brutale quand l’appel à la mobilisation sonne irrévocablement à la porte de l’insouciance et de la plénitude.
Ce seront alors toutes les petites voix intérieures qui vont ainsi nous guider dans le cheminement de chacun de ces êtres dans cette lutte profonde et enfouie, à la manière de voix off qui viennent nous susurrer à l’oreille, plus que les dialogues véritablement construits et étayés qui à la longue, finissent par manquer malgré tout.
Sans doute, un choix empreint de mysticisme et de spiritualité, cher au réalisateur qui pourra envoûter, émerveiller, mais aussi à contrario, rebuter le spectateur plus cartésien !
Le mélange des langues est aussi très gênant et franchement discutable, avec l’anglais presque chuchoté, réservé à la douceur intérieure, et l’allemand complètement éructé, destiné à la violence et à l’agressivité.
Certes, dans sa démarche le cinéaste a l’art et la manière de nous baigner dans cette ambiance très particulière, tout en soulevant d’ailleurs et indirectement bon nombre de questions, mais par là-même, comme s’il s’agissait des défauts inhérents à ses qualités, son travail empêche également de bien cerner et de comprendre la démarche de ce chef de famille guidé par la foi, extrêmement dévoué et bon.
On ne peut que fort bien être d’accord avec cette décision de se porter objecteur de conscience, mais même si on la comprend, on aurait aimé connaître la réelle motivation de ce refus d’accepter en bloc de servir l’armée de son pays, car à aucun moment ou presque, on arrive à saisir le déclic véritable qui amènera Franz à se forger ses propres convictions, qu’il mènera d’ailleurs jusqu’au bout !
Si l’idée d’obtempérer et d’obéir dans ce contexte, est plus que louable et intéressante en soi, on oublie un peu toutes les autres options sans doute bien plus efficaces pour contrer la montée d’Hitler et de son régime fasciste, comme l’engagement dans la résistance, moyen assurément plus porteur en soi que cette position radicale de ne pas faire allégeance, qui invite au respect et même à l’admiration, mais qui sur le fait de marquer profondément l’Histoire, n’a que finalement peu d’impact...
On aurait donc voulu mieux sonder le fond de la pensée de cet homme qui par son mutisme dans lequel il s’enferme, nous laisse perplexe quant à ce choix radical, définitif et infaillible...
Par son pari esthétique réussi et évident, Terrence Malick nous empêche ainsi d’appréhender complètement ce héros dans sa complexité psychologique, et de fait limite également la portée qu’il aurait pu avoir, alors qu’en parallèle les acteurs sont magnifiquement dirigés (August Diehl et Valérie Pachner vraiment impressionnants).
Un très beau film au sens esthétique, qu’on aimerait défendre d’arrache pied, mais qui risque de nous séduire assurément, plus que nous convaincre réellement dans ce qu’il tend à vouloir montrer ou prouver, dans ce très bel hommage aux « vies cachées ».