On reconnait aisément la griffe de Terrence Malick dans « A hidden life », ces trois éléments qui font la marque de certains de ses films : des flash-backs nombreux sur les moments heureux, l’importance des voix off qui priment souvent sur les dialogues et des images sublimes qui témoignent de la puissance de la nature omniprésente. Les trois heures que durent le film ne constituent pas un handicap, au contraire elles permettent de mieux s’imprégner de la psychologie de chacun des personnages et de s’approprier leurs joies, leurs souffrances et leurs interrogations. On regrettera toutefois le peu d’explications que nous livre Malick sur le choix que fait Franz au départ de devenir l’objectif de conscience de cette communauté recluse des Alpes autrichiennes, celui qui refuse de prêter allégeance au régime nazi au péril de sa vie : est-ce sa foi chrétienne, est-ce l’absurdité de la Première Guerre Mondiale qui lui a enlevé son père mort au combat ou est-ce le refus du conformisme illustré par le bourgmestre local dont la xénophobie latente se révèle à la première chope de bière ?
Mais « A hidden life » reste avant tout une double histoire d’amour : l’amour que Franz porte à sa femme et l’amour que Franz et sa famille portent à leur terre. Le personnage de Fani est, à ce titre, primordial. C'est elle qui par sa patience et sa persévérance porte leur histoire d’amour très haut et permet à Franz d’être ce héros qui privilégie sa liberté d’expression et ne dévie jamais de cette ligne. Leur dernière entrevue dans le parloir de la prison à Berlin, qu’elle conclut par « Whatever you do, I am with you. Always. » n’en est que plus symbolique. Le rapport à la terre, cette terre qui les a vus naitre, grandir et s’épanouir et dont ils s’inquiètent du devenir, est, en revanche, beaucoup plus ambigu : présentée au début du film comme nourricière et protectrice, la terre va se révéler progressivement rebelle comme en témoignent les difficultés que Fani et sa sœur rencontrent à labourer quand Franz est retenu prisonnier à Berlin, avant d’être définitivement maudite lorsqu’à la fin du film, Fani, pleine de rage, en arrache des lambeaux avec ses poings.
Autre élément naturel que l’on retrouve abondamment comme dans les autres films de Terrence Malick : l’eau. Contrairement à la terre, l’eau reste un élément fiable et imperturbable, qui suit son cours eu égard aux évènements extérieurs et à la folie des hommes.
Le film se termine par un ultim plan large sur les Alpes autrichiennes, ces montagnes immuables et sur cette promesse faite par Fani de retrouver Franz au-delà des sommets, promesse qui sonne comme un écho à leur histoire d’amour sur laquelle ni le temps ni la tournure de l’Histoire ni la toute-puissance de la nature n’auront d’emprise.