Ce film de Woody Allen joue sur les références théâtrales et cinématographiques personnelles : on retrouve l'ambiance de ces bords de plage consacrés aux loisirs, aux fêtes foraines (non, ici, pas de voyante...) qui sont toujours un peu maléfiques. Le "récitant", juché sur son siège d'où il surveille les baigneurs et les jolies femmes, étudie le théâtre dans les pièces qu'il lit et dans la vie qu'il mène. Deux jolies femmes l'attirent, et le conflit de l'âge et des relations familiales se noue. La lumière est rayonnante, encore plus que ne le laisse deviner l'affiche aux couleurs de vitrail. Mais bien sûr, c'est un drame, qui fait tour à tour penser aux pièces de Tennessee Williams, O'Neill, et qui mentionne explicitement les racines européennes de ce théâtre américain : Tchékhov, Shakespeare, Euripide. Donc, puisque c'est un drame américain, il y a des gangsters qui s'occuperont hors champ du sort tragique de la jeune et belle héroïne qui a trop parlé : aucune surprise, comme dans les tragédies grecques.
Tout est dans le jeu des acteurs, et Kate Winslett ainsi que Justin Timberlake, qu'on attendait moins comme acteur, sont tout à fait dans leurs rôles.
On se laisse aller à suivre cette histoire, à écouter la musique, à admirer les décors et la mode, témoins des mœurs d'une époque révolue où l'Amérique populaire souffrait encore des effets de ses crises et se voyait contrainte au quotidien à renoncer à ses rêves (Ginny se plaint de devoir gagner sa vie comme serveuse) et noyer ses chagrins dans l'alcool, malgré le leadership mondial qu'elle assumait à l'international... C'était aussi l'époque de l'image rêvée renvoyée par les comédies musicales à très grand succès comme Carousel, Dans Wonder Wheel, le mari de Ginny est aussi machiniste d'un carrousel, mais il n'y aura pas de rédemption de son côté. L'enfant pyromane paraît comme un dérisoire rappel des archanges aux épées de feu qui ont été oubliés dans un pays ayant perdu sa foi, remplacée par une psychanalyse qui n'a guère plus d'effet salvateur.
Néanmoins, ce n'est pas le film dont on se souviendra le mieux de Woody Allen, qui fait toujours oeuvre honnête, mais plus vraiment oeuvre surprenante.