J’ai lu à propos du film ceci : « C’est un film bien comme on dirait c’est quelqu’un de bien. » Je ne sais pas trop comment il faut l’interpréter. Sous le mode marseillais ? « Il est brave peuchère ! », sous-entendu : « Il est gentil mais un peu simple, inutile de lui en vouloir, c’est pas sa faute. » Ou sous le mode de la bienveillance ? « C’est un premier film, le sujet traité, le cancer du sein, est un sujet délicat », sous-entendu, « difficile d’éviter les maladresses malgré les bonnes intentions ». Evidemment c’est le deuxième mode : la bienveillance. Anne-Gaëlle Daval a écrit un scénario et a réalisé son film alors qu’elle n’était pas du tout du milieu. Elle a écrit une histoire tout simplement et elle a eu le bonheur non seulement de tourner avec Florence Foresti et de fédérer autour d’elle Mathieu Kassovitz et Nicole Garcia pour ne citer qu’eux. Pour ces deux derniers, étant metteurs en scène à leurs heures perdues, elle a dû bénéficier de leurs conseils. En tout cas, pour ces trois acteurs, c’est une belle démarche que d’accepter de jouer pour une réalisatrice complètement étrangère à l’environnement du cinéma. Ce n’est pas seulement une débutante, c’est vraiment une novice. Et surtout le scénario y est pour beaucoup dans leur accord. Un récit délicat qui conglomère bien des réflexions. En effet, au-delà du cancer du sein qui trouble toute personne sensible normalement bien constituée, homme et femme confondus, il y a le thème de l’apparence, s’accepter telle que l’on est avec son âge, avec son corps voire avec sa maladie. Le personnage de Dalila (Nicole Garcia) peut paraître excessif ou peu crédible et considéré comme une maladresse, Anne-Gaëlle Daval a trouvé ce vecteur pour amener Lucie (Florence Foresti) à accepter définitivement sa maladie et au-delà, son corps meurtri, pour mettre fin à tout déni et sortir de sa dépression. Accepter son âge, son corps c’est accepter et renouer avec sa féminité. Anne-Gaëlle Daval a fait du cabaret où elle s’exécutait nue et cette nudité lui a fait retrouver sa féminité, selon elle. Ca peut se discuter et d’aucunes ne passeront pas nécessairement par la nudité, en public de surcroît, pour assumer leur féminité. Autre maladresse considérée comme telle : le personnage de Mathieu Kassovitz, Clovis. Je comprends que cela ne soit pas vraiment crédible de s’intéresser à Lucie. Il la rencontre dans une boîte de nuit malencontreusement alors qu’il voulait séduire sa soeur Manon (Olivia Bonamy que l’on voit peu malheureusement) ; or celle-ci s’éclipse rapidement laissant Lucie et Clovis seuls. Clovis ne veut pas perdre la face et entame une discussion avec Lucie, laquelle n’est pas dupe et le rembarre. Il faut dire qu’elle affiche une tronche désagréable et son apparence est loin d’être attirante. Comment comprendre l’attitude de Clovis qui tient à la revoir et qui finit par obtenir des rendez-vous galants ? Je comprends les réactions de certains qui ne croient pas à cette histoire. On connaît peu Clovis et on le découvre peu à peu quand il est avec Lucie. C’est un prédateur ! Son langage est cru. En avançant dans le récit, j’ai accepté l’hypothèse suivante : Clovis est pareil à Valmont ou Dom Juan. Il s’est imposé un défi. Amener Lucie à ses fins à savoir dans son lit et peu importe son apparence et son exécrable caractère ! Il s’est fait avoir en se retrouvant nez à nez avec Lucie, il va au bout de son propos. Mais peu à peu en avançant dans le récit, il change de comportement et sa liaison toute platonique prend une tournure imprévue. En acceptant cette hypothèse, l’acharnement de Clovis peut se comprendre. Pour Clovis et sa famille, Lucie, poussée entre autres par Dalila, va révéler qui elle est vraiment et confronter Clovis à ses véritables sentiments pour elle. Autre maladresse ou autre exagération : la mère de Lucie, Yvonne (Josée Drevon). Il est vrai que son personnage en fait trop. Lors d’une séquence entre Lucie et sa mère, Yvonne lui avoue qu’elle ne se trouvait pas belle. Elle s’est toujours étonnée du choix de son mari qui apparemment était bel homme et aurait pu séduire d’autres filles qui, selon Yvonne, étaient bien plus jolies qu’elle. Cette scène nous parle de l’apparence d’une part et de l’amour de l’autre. Se regarder ne correspond pas forcément au regard de l’autre. D’où l’étonnement d’Yvonne et avouons-le aussi ça nous parle. Franchement en nous baladant, ne nous est-il pas arrivé de nous questionner sur un couple que l’on jugeait « mal assorti » physiquement, j’entends ? Après tout, le premier contact est l’apparence, ce n’est ni le coeur ni l’esprit qui frappent en premier lieu. S’étonner d’être séduite cela peut signifier ne pas s’aimer telle que l’on est. A travers Clovis, sans doute n’était-ce plus l’apparence qui motivait sa démarche mais l’amour qui n’a plus rien à voir avec l’apparence… en principe. Lucie avait tendance à tout confondre parce que perdue, dépressive, estime de soi complètement détruit. D’où l’intervention, qui peut paraître maladroite et peu crédible au yeux de certains, de Dalila. Enfin, Manon qui après avoir surpris Lucie, la poitrine dénudée dans la serre, lui dit : « Qu’est-ce qu’ils ont les hommes avec les seins ? » sous entendu il n’y a pas lieu d’en faire tout un plat. Si c’était le cas, entre parenthèses, pourquoi les femmes ne se comportent pas comme les hommes quand elles ont chaud : enlever le haut ?! Manon ironise bien sûr mais sous cette ironie, il y a du vrai : là encore le premier coup d’oeil est la poitrine. Il n’y a pas que les hommes qui peuvent comprendre, des femmes aussi comprennent l’importance de la poitrine ; nombre d’entre elles la mettent en valeur, l’honorent d'un décolleté. Pourquoi ? Parce que la poitrine éblouit les hommes et les femmes les plus audacieuses, qui s’aiment, qui assument leur féminité ne craignent pas d’en jouer. La poitrine n’est pas une partie anodine du corps. Elle participe à la féminité. L’ablation de deux seins c’est détruire une partie de sa féminité. Sur scène la troupe de Dalila a pour mission de montrer les seins, symbole de la féminité. Mais c’est avant tout de s’accepter avec ou sans seins. Une femme ne se résume pas qu’à ses seins. « De plus belle » l’air de rien en dit long. On peut lui reprocher sa simplicité mais cette simplicité est sincère. Oui c’est un film bien. Si le film a des maladresses ou peut paraître bancal, Anne-Gaëlle Daval a démontré une qualité essentielle : la direction d’acteurs. Florence Foresti est convaincante et l’on oublie par moments qu’elle est Florence Foresti. Son interprétation est maîtrisée et juste. Son implication est la traduction d’une confiance absolue envers la réalisatrice et son scénario. Autrement comment expliquer qu’elle ait montré ses seins ? Je salue aussi l’interprétation toute lumineuse de Nicole Garcia.