Hélas, nous ne pouvons que constater que notre ami Michael Chaves n'a pas envie de descendre de son perchoir. Ayant été choisi pour diriger les attentes de tout un public ! Afin d'apporter un vent de fraîcheur à cette saga sur le plan qualitatif assez réjouissant pour perdurer dans l'esprit de ses spectateurs.
Le jeune réalisateur américain (à qui l'on doit cette farce de "La Malédiction de la Dame Blanche" traduction française de "La Llorona" sorti en 2019 : se laissera facilement dissoudre de notre mémoire, tellement elle n'avait -sur le plan bestiaire- plus rien à proposer à cette univers déjà préétablie) aura cette fois le privilège de nous amener dans des lieux assez peu connus du couple Warren.
Son pendant "monolithique" de la maison hantée par la religieuse maléfique sous-couvert de La Dame pleureuse, bizarrement incrustée dans cette machinerie diabolique hollywoodienne, ne fera que démontrer par la suite l'intérêt que les studios de la Warner lui ont porté.
La grandiloquence dans sa mise en scène révèle parfois chez Chaves une admiration certaine ! pour son prédécesseur (habitué à l'épouvante) qui voit en lui un digne successeur, un nouveau gouvernant pour cette saga qu'il entreprendra d'exorciser de son sempiternel attachement au concept de la maison hantée.
Prenant cette fois un autre versant dans ses choix scénaristiques, en gardant toujours son concept de possession de base, Chaves se libère des sentiers battus cent fois -ou devrons nous même dire- mille fois explorés, et secoue les fondations déjà installées depuis les premières lueurs de cette franchise.
En changeant de paradigme, "The Conjuring 3 : The Devil Made Me Do It", nous libère enfin de ce confort auquel nous nous sommes tant habitués avec les films précédents, et nous amène à prendre de l'air frais au côté de Ed et Lorraine Warren qui ne semblent pas prendre un réel plaisir dans leur tentative d'innocenter Arne.
Sur le papier ça à l'air intéressant, mais il faut comprendre que cela n'est toujours pas une mince affaire dans sa matérialisation.
Cette grandiloquence, nous pouvons la remarquer dès la scène d'ouverture, par une imagerie assez troublante, alertant le spectateur sur l'ampleur de la menace dans la maison des Glatzel : des séquelles laissées par des évènements antérieurs à une tentative d'exorcisme échoué du jeune David sous l'assistance de Ed et Lorraine. Événements antérieurs à cette nuit précédant l'exorcisme du jeune David que nous avons tellement voulu que le script en fasse plus ! référence afin de mieux permettre au spectateur d'entrer dans la profondeur psychologique du jeune personnage campé par le talentueux Julian Hilliard qui sera malheureusement laissé en arrière plan par la suite. Et c'est là le point faible du scénario. Car James Wan avait ce pouvoir de rendre ses personnages plus attachants, en permettant au spectateur de s'acclimater aux protagonistes, avec une capacité sans faille à ressortir le pouvoir empathique du spectateur envers ses derniers, en jouant sensiblement sur des nuances que pouvait apporter la présence de Ed et Lorraine Warren à la famille dont ils venaient en aide (The Conjuring 1/2), tout en réussissant à amener les protagonistes à un même niveau de lecture dramatique, sans que l'un ni l'autre ne déborde de l'écran. Raison pour laquelle l'alchimie (s'il y'a en) entre les protagonistes ne fonctionne presque pas ou peu. Même dans les rares moments où le scénario se risque au sentimentalisme, dans le but d'offrir aux personnages un réel développement psychologique, il ne va jamais jusqu'au bout de nos attentes : elles sont d'une légèreté à ne pas frémir une moustique.
James Wan : à travers les deux volets de la saga "The Conjuring" parvenait subtilement dans les instants où l'on s'y attendait le moins, à installer une angoisse galopante qui pouvait littéralement envahir toute une pièce, et ce jusque dans ses moindres recoins, et où la terreur prenait véritablement de sens, parce que l'ambiance instaurée met le public dans une situation inconfortable qui le défi de persévérer dans l'attente d'une peur qui peut débouler de partout !
Dans un soucis de maintenir le spectateur dans la même tonalité instaurée par son prédécesseur : Michael Chaves (dont la mise en œuvre dénote une admiration certaine pour James Wan) va opter pour une variation de concepts clés empruntés aux deux premiers Conjuring, qu'il tentera de restaurer dans une nouvelle imagerie, mais seulement avec des failles qui dénotent un certain manque d'orientation inventive dans ses aboutissements. Car même s'il reproduit le flair de Wan autant qu'il le peut, en se fixant le choix d'instaurer dans certains cas de figure le fameux style du silence trompeur qui précède souvent les frayeurs de saut... malgré les intentions du bonhomme, vont produire, sur le plan qualitatif, aucun effet.
Le réalisateur adopte dans son concept de générer la peur un style d'éclairage quasi minimum dans certaines scènes, afin de maintenir le spectateur aux effets immersifs de l'ambiance sinistre qui règne. Ce qui lui donne son efficacité par moment.
"The Conjuring 3 : The Devil Made me do it" aura tendance à s'appuyer de trop sur des éléments conceptuels induits par l'original Conjuring. Car content de partir sur les mêmes bases de l'épouvante instituées par son modèle (dont la presse internationale a tant venté les mérites à la sortie de "The Conjuring : Les Dossiers Warren", et tant fasciné les spectateurs qui recherchent du frisson), le jeune cinéaste de l'horreur, Michael Chaves, tente du mieux qu'il peut de restaurer cette même partition inégale entre le suspense induit par le silence (comme élément de construction de la tension au sens wanien du terme), et la tension angoissante qui en découle... Et lorsqu'il réitère la formule, car ne sachant pas trop comment mener le taureau par les cornes, c'est là qu'il déçoit énormément ! Car voulant trop miser sur les effets induits par le silence (jusqu'à en faire un élément putassier aux frayeurs de saut), il va malheureusement désamorcer la tension angoissante déjà établie par des jump scares faciles qui viendront anesthésier tout le reste. Cas typique des amateurs du genre qui ne savent pas comment inciter le spectateur à ressentir cette angoisse viscérale tant recherchée (que précisément le cinéma d'horreur contemporain tend à délaisser) : ils préfèrent plutôt miser sur une approche plus mécanique de la peur. Reproche que l'on pourrait aussi bien faire à Corin Hardy avec son film "La Nonne".
On reste épouvanté par ce qui découle de cette nouvelle aventure des Warren, tellement son géniteur essaye de singer le style de son prédécesseur, sans réellement imposer une vision artistique qui lui ait propre.
Adoptant dans son style plusieurs lectures horrifiques qui fusionne des détails empruntés par l'ambiance qu'il crée autour des personnages, notamment dans la scène montrant Ed et Lorraine Warren (de leur côté réduis à de simples personnages fictifs) en pleine investigation dans les lieux cadavéreux de la morgue, où le réalisateur Chaves essaye de reproduire cette même tension angoissante emblématique de l'œuvre d'André Øvredal dans "Jane Doe Identity"... nous paraîtra même trop anecdotique pour générer des effets inédits.
Et si l'on peut reprocher au film une manque d'identité artistique de la part de son réalisateur, il dispose pourtant d'acteurs dont le peu qui nous ai permis de voir -de leurs talents, promet un avenir qui s'annonce prometteur. Le seul bémol dans tout ça, et comme cela nous laisse dans le déplaisir, en est que le personnage du prêtre devant effectuer l'exorcisme sur Arne n'a rien de symbolique. Son attitude, et ses gestes ne transpirent même pas l'ambiance du spectacle : il est comme sorti de nul part ! Et ne partage aucun soupçon d'affectivité avec Debbie et Arne. Il est comme... sorti de nul part : un figurant pour ainsi dire.
La dissonance abrupte de la chanson "Call Me" de Blondy, écrasée dans sa descente infernale par un changement brusque de ton au niveau visuel assez macabre et de ce qui va brusquement en sortir... a de quoi effleurer le cynisme d'Andy Muschetti.
Oscillant entre la bataille opposant Arne aux forces du mal d'une part et celle opposant les Warren à la sorcière - qui tire les ficelles derrière toute cette mascarade, Chaves nous concocte une finale pas des plus originales : reprenant des tropes fatigués qui alternent entre "The Shining" et "L'exorcisme", dans un tourbillon de vortex qui malmène son spectateur d'une scène répétitive où Ed sous l'emprise du diable se met à attaquer violemment son épouse et partenaire Lorraine (qu'il voit sous une fausse apparence) qui va finalement le délivrer de ce sortilège diabolique... Et ban devinez comment ? : Par le pouvoir de l'amour tout simplement. Et cela se fait d'une manière tellement abracadabrante, qu'on peine à y croire. Car étant habitué à la formule "l'amour conquiert tout" depuis le début de cette saga par James Wan, nous pouvons vous assurer qu'ici la formule ne fonctionne absolument pas !
Mais on peut remercier quand même le bonhomme pour son entrée fracassante ! qui a de quoi exorciser l'exorcisme de Carolyn dans "The Conjuring : Les Dossiers Warren". Et figurez vous que c'est la seule scène où l'on remarque une absence totale de "filtre" dans sa créativité.
"The Conjuring : The Devil Made Me Do It" ressemblera à un marathon interminable qui, plus on avance, plus il nous est difficile de respirer, et plus on a envie de prendre du recule, mais on continue d'avancer quand même. Au final, on a cette sensation nauséeuse qui vous laisse penser que vous allez régurgiter.