Des teasers particulièrement alléchants, un sujet (une communauté hippie qui prône un autre mode de société) pas si commun sur grand écran, un univers intéressant (celui d’Eric Judor, qui s’est payé une crédibilité artistique avec la série "Platane")… tout était réuni pour faire de "Problemos" la comédie française surprise de 2017 ou, à tout le moins, celle qui tranchera avec le bas de gamme auquel le genre nous a trop habitué au cours des dernières années. Malheureusement, le résultat est en demi-teinte. Et le souci n° 1 est, très clairement, le storytelling qui ressemble à un bordel innommable où le réalisateur a tenté de mettre tout ce qui lui passé par la tête, sans véritable souci de cohérence (à commencer par la cohérence du ton). On s’attendait à une comédie gentiment borderline qui brocarde les babas cool écolo (ce qui, à l’heure des difficultés soulevées par le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes, a un certain sens)…. Mais on s’aperçoit assez vite que les vannes manquent, dans l’ensemble, d’originalité (malgré quelques fulgurances dont la géniale idée de ne pas donner de nom à un enfant pour ne pas lui coller une étiquette dès la naissance !) et font davantage dans le recyclage de clichés connus que dans l’innovation (on a droit au refus de la propriété, au retour à la nature, au dégoût de tout ce qui est électronique, à l’amour libre, à la détestation de la grande Babylone…). Plus préoccupant, Eric Judor n’évite pas certains dérapages franchement gênants
(son personnage qui veut à tout prix coucher avec une ado de 16 ans ou qui veut voir si l’enfant est un garçon ou une fille… soit autant de relents pédophiles pas forcément très légers pour une comédie)
ou se vautre carrément dans le dernier tiers en partant dans des délires post-apocalyptiques totalement hors de propos
(l’arrivée du groupe de tueurs, la mort de certains personnages, le dernier plan guerrier qui conclue le film comme un cheveu sur la soupe).
Je veux bien comprendre l’idée d’une régression humaine au vu de la pandémie ambiante… mais, dans la mesure où on se trouve dans une comédie, une telle brutalité n’a pas sa place (en tout cas, pas de cette façon). "Problemos" peut, cependant, compter sur l’humour si particulier d’Eric Judor qui n’a pas son pareil en matière de décalage et qui a su se constituer une troupe d’habitués bourrés de talent. S’il s’est réservé le premier rôle (dans son emploi habituel de grand lâche constamment dépassé qui tente de faire bonne figure), il n’a pas oublié ses partenaires, tels que Celia Rosich en épouse à bout, Michel Nabokov en leader hippie, Eddy Leduc en ex-repris de justice, l’invraisemblable Youssef Hadji en bricoleur de génie, Claire Chust en ado persuadé d’être dans un télé-réalité mais, également, les excellentes Blanche Gardin (également à l'écriture) et Dorothée Pousséo en écolos extrémistes ou, encore, Marc Fraize en écolo à K-way. Les situations ont, du reste, beau être attendues la plupart du temps, elles n’en demeurent pas moins amusantes
(l’atelier sur les règles, Patrick qui met le chien au-dessus de l’Homme, le quiproquo sur le "pain de mie"…)
. Il n’en demeure pas moins que le film est très inégal dans ses deux premiers tiers, avant de sombrer carrément dans sa dernière partie. Dommage, vraiment dommage… et ce d’autant plus que les mêmes reproches pouvaient déjà être faits à "La tour 2 contrôle infernale", précédente réalisation d’Eric Judor, dont on peut commencer à douter de la capacité à transposer son univers sur grand écran. Le format télé lui convient sans doute mieux…