Noir dans la salle, trois sonneries de cor, et ça y est, on y est ! Long de deux heures qui passent à la vitesse de l’éclair, les premières images de « Kaamelott – Premier Volet » donnent le ton : La TV, les décors minimalistes, les costumes faits de bric et de brocs, les scènes à trois figurants, les batailles hors-champs, c’est terminé. Astier s’est donné les moyens de ses ambitions. Le cinéma lui autorise tout et pour commencer des vrais décors. Le film nous embarque en Mauritanie, en Orient, dans les forêts gauloises, il nous permet de voir, enfin, à quoi ressemble vraiment Kaamelott (Elle a des faux airs de Winterfell !). Les scènes de duels sont des vraies scènes chorégraphiées (et un vrai hommage à Star Wars), les scènes de batailles sont des vraies scènes de bataille avec des armes de jets en action. Le cinéma lui permet des plans larges, des contre-plongées, des effets spéciaux plus pointus et surtout une photographie léchée, une utilisation intelligente de la caméra et de la lumière. Astier est, avant tout autre chose, un réalisateur de talent et qui ne manque pas d’ambition. Autre domaine dans lequel le film suspend : les costumes. Si les costumes saxons sont de tendance punk, ceux des sbires de Lancelot sont gothiques, avec une préférence pour celui de ce dernier, trop grand pour lui dans tous les sens du terme. Mais là où je craque, c’est quand on touche du doigt la culture burgonde, tenues disco, chamarrées, et pailletées, agrémentées de maquillages tendance Picaros de Tintin, le tout est tellement anachronique qu’on à l’impression d’un délire sous LSD ! Si Astier est responsable du montage hyper dynamique du film, il est aussi aux manettes d’une bande originale hyper soignée qui accompagne les images sans jamais les parasiter, et qui peut, je le pense, exister par elle-même, comme une symphonie à écouter chez soi. Musique élaborée, parfois exotique, elle mérite sans aucun doute qu’on lui accorde la mention « Très bien ». Techniquement, « Kaamelott » - Premier Volet » coche toutes cases qu’on attendait, qu’on n’osait espérer, la transposition sur le grand écran apportant le souffle épique que la série, de part son format, avait du mal à transcrire. Quitte à faire grincer des dents, on est dans du vrai bon cinéma. Le casting du film est assez dingue. En plus des personnages habituels (presque) tous là, j’y reviendrais, il y a aussi le retour des guests qui ont fait le bonheur de la série : Antoine de Caunes, François Morel, Alain Chabat et Géraldine Nakache (mes favoris !), Christian Clavier ou encore Pascal Vincent. On peut regretter l’absence de certains, comme celle d’Elie Seimoun ou Claire Nadeau mais c’est compensé, excusez du peu, par Sting (parfait), Guillaume Galienne (contre emploi, excellent), Clovis Cornillac (très bien dans un rôle un poil trop court) et toute une palanquée de jeunes comédiens lyonnais inconnus, qui font dans cette grande superproduction leur premier pas sur grand écran et pour certains, c’est très prometteur ! On retrouve Audrey Fleurot et Alban Lenoir (quel bonheur de le revoir!) et on se prend à trouver trop courtes l’apparition d’untel ou untel qu’on adorait dans la série, les deux « Bon Dieu d’pécores » notamment. C’est là une petite frustration presque obligée, on aurait tellement adoré voir davantage Léodagan de Carmélide et Dame Séli se houspiller, Gauvain avec son langage châtié, ou encore Merlin, mais dans cas le film aurait duré 4 heures au lieu de 2 ! Les personnages de Kaamelott ont toujours été très écrits, évolutifs, pleins de contradiction.
Du coup, on est à la fois surpris et pas surpris de constater que le Père Blaise à trahi Arthur et que Elias de Kelliwic’h ne l’a pas fait, on aurait franchement parié sur l’inverse.
Vraie déception là pour le coup,
l’absence conjuguée d‘Ygerne de Tintagelle, sûrement retenue à la Fête de l’Hiver, et d’Yvain Chevalier au Lion, sans explication ni même allusions alors que leur place dans l’intrigue paraissait évidente.
Mais je m’aperçois que je n’ai pas parlé d’Arthur, sans doute le personnage le plus complexe de tous. Alexandre Astier reprend le rôle comme il l’a laissé, il se glisse comme dans une seconde peau dans le costume d’un personnage tiraillé entre ses faiblesses (la dépression, le découragement, un certain égoïsme) et ses idéaux, aux sentiments parfois confus mais toujours bouleversant de sincérité, jusque dans ces erreurs.
La scène où il caresse la table ronde très artisanale de Bohort est une de mes préférées, c’est un geste tout simple mais c’est le point de bascule qu’on attendait, presque plus fondamental que la scène avec Excalibur dans le rocher.
Le scénario reprend l’intrigue 10 ans après la fin de la série (10 ans dans la réalité, 10 ans dans la fiction) et sur ce point, moins je spolierais, mieux ce sera. Il y a la Résistance d’un coté, la Collaboration de l’autre, et un héros qui comprend enfin qu’on n’échappe pas à son Destin, jamais… Le scénario conserve l’humour potache (mais plus fin qu’on ne l’imagine) de la série, ses dialogues inimitables, ses gimmicks (les jeux du pays de Galles, quel kif!), il s’est un peu éloigné de la noirceur de la dernière saison au profit d’un romantisme (totalement) inattendu et d’une émotion assez inédite. Plusieurs scènes sont fort touchantes, quoique fugaces
comme les retrouvailles Arthur/Perceval ou Arthur /Guenièvre, mais elles sont immédiatement désamorcées par de l’humour (le gag de la porte, tout simple mais tellement efficace). Il y a, de manière récurrente dans l’intrigue, un flash back sur l’époque où Arthur était encore Arthurus, 14 ans, aspirant soldat dans la légion romaine en Afrique. On se demande pendant un bon moment quel est le but poursuivi par cette réminiscence. N’ayez crainte, elle est là pour une bonne raison. Si dans la saison 6 on comprenait enfin pourquoi Arthur ne consommait pas son mariage, on comprend ici pourquoi il exècre tant les mises à mort (ce qui pour un homme de son temps et de son statut, est très inhabituel) au point de ne jamais pouvoir s’y résoudre, même lorsqu’il le faudrait vraiment.
Je ne sais pas si un néophyte pourrait vraiment tout comprendre du scénario, il passerait certainement à côté de beaucoup de subtilités et de détails. C’est peut-être une des limites de « Kaamelott- Premier Volet », avec le titre, qui n’est pas très inventif, contrairement à tout le reste. Je me doute que cette critique pleine de louanges manque un peu d’objectivité aux yeux de certains, mais je peux leur assurer que j’ai vraiment fait de mon mieux pour me détacher de mon statut de « fan de Kaamelott », même si à l’impossible nul n’est tenu !