“Jusqu’à la Garde”, de Xavier LEGRAND, est un film d’une grande rigueur, voire clinique, qui interpelle dès la première image. L’histoire commence dans le bureau de la juge, le ton est solennel, grave, voire froid. Dans une atmosphère pesante, le couple en plein divorce se dispute la garde de leur fils Julien (Thomas Gioria) ; la mère, Miriam (Léa Drucker), voudrait en avoir seule la garde, et le père, Antoine (Denis Ménochet), la partager. Le film est hyper réaliste, tourné presque à la façon d’un documentaire, et quasiment en temps réel. Il s’agit, ici, d’une cinéma authentique, sans fioriture aucune. On est dans du vrai, j’aurais presque envie de dire "dans du vécu”. L’atmosphère est lourde, et la tension est omniprésente. Cependant, on ne connait pas vraiment la nature réelle de ce qui couve. Le suspense est maintenu, on est tendu, et on se retrouve réellement en apnée, s'attendant à tout moment que "ça ?" éclate. Denis Ménochet est vraiment extraordinaire dans son interprétation du rôle. Déjà naturellement il en impose de par sa stature, donc physiquement, et aussi psychologiquement, il campe un père dominant et agressif particulièrement convaincant, dur, rigide et sans concession, et capable de souffler le chaud, comme le froid. Dépité, meurtri, mais aussi manipulateur, il sait amadouer pour mieux manœuvrer ensuite. Léa Drucker endosse elle aussi son rôle avec efficacité. En épouse sur le qui-vive, elle affiche un visage figé, angoissé, et nous fait bien passer ses émotions, méfiance, inquiétude, et interrogations qui l’animent. Quand on apprend de la bouche de leur fils ce qui lui fait peur, on tremble pour elle. Thomas Gioria, devenu le bouc émissaire de son père, nous fait vivre toute l’appréhension et la terreur de cet enfant, tétanisé de peur, ou la solitude qui l’habite, ainsi que l’impuissance fasse à cette situation qu’il ne comprend pas, mais qu’il combat à sa manière, en mettant des bâtons dans les roues partout où il peut, pour retarder ce qu’il redoute, et dont il pressent l’issue. C’est un film qui remue, et on en est totalement bouleversé. On entend parler dans les médias de féminicide, en moyenne tous les trois jours, tout au moins en France. Ce sujet, toujours tabou, est certes de plus en plus mis en avant mais, et malheureusement dans la plupart des cas, c’est quand il est trop tard. Pour ce premier long métrage, Xavier Legrand a frappé vraiment très fort. Chapeau bas à ce cinéaste ! de s'être emparé d'un sujet aussi brûlant.