Connu comme producteur, Patrick Godeau signe avec Chouquette son premier long métrage en tant que réalisateur. S'il a commencé par produire des films, c'est parce qu'il a longtemps pensé qu'il avait pour mission de susciter des projets et surtout de les porter jusqu'à leur conception. Il explique :
"Sans doute parce que, tout jeune, j’avais acquis la conviction intime que j’étais chargé de prendre en charge les adultes, mes parents compris, évidemment. Au fond, et sans faire de psychanalyse à deux sous, être producteur a été pour moi une façon de prolonger cette responsabilité qu’enfant je m’étais assignée. J’ai donc exercé ce métier qui consiste à concevoir et à accompagner les films jusqu’à leur tournage, mais qui « condamne » à les abandonner, parfois assez douloureusement. Un jour, j’ai donc décidé de garder le « bébé » et d’en assumer la pleine paternité."
C'est au moment où il produisait Voyez comme ils dansent (2011) que la scénariste de Claude Miller Natalie Carter a suggéré à Patrick Godeau de lire le roman d'Emilie Frêche intitulé Chouquette. "Mais c’était au producteur qu’elle s’adressait ! J’ai donc lu ce livre et il m’a plu. Au moment de chercher des scénaristes pour l’adapter, ma compagne m’a suggéré de faire le travail moi-même, avec Natalie Carter. Je me suis lancé", se rappelle le metteur en scène.
Pour Patrick Godeau, Chouquette est un magnifique personnage de cinéma qui lui évoque Holly Golightly (joué par Audrey Hepburn) dans Diamants sur canapé (1961). "C’est un de ces personnages qui ont des fissures, mais qui les cachent et n’en parlent jamais; un de ces personnages, aussi, qui imposent leur mise en scène à la vie, ce qui leur permet de tenir bon, de rester vertébrés", précise le réalisateur.
S'il a tout de suite pensé à Sabine Azéma et Michèle Laroque pour jouer les rôles principaux, c'est par le biais d'un casting que Patrick Godeau a trouvé Antonin Brunelle-Rémy, l'interprète de Lucas.
Il n'y a pas de musique originale dans Chouquette. Patrick Godeau avait engagé quelqu'un mais "ça ne marchait pas" selon lui. Le metteur en scène se souvient : "Un jour, par hasard, je réécoute Dean Martin et je le trouve miraculeux. Sa douceur, sa masculinité, son charme et son sex-appeal évoquent pour moi, avec une certaine distanciation, le mari volatilisé de Chouquette et aussi, assez inexplicablement, son ancienne vie avec elle. Et puis, je « retombe » sur cette chanson de Serge Gainsbourg, Black trombone, dont je me dis qu’elle aurait pu être la chanson préférée du couple, et qu’on peut l’écouter comme une trace presque tangible de leur relation amoureuse, qui a dû être passionnée. Quant à la cantate d’Erik Satie, c’est la compagne de Mathieu Amalric, dont je produis le futur Barbara, qui me l’a faite découvrir. Je l’ai trouvée tellement sublime que je l’ai mise dans le film."
Le roman initial ne comporte pas d’otarie, contrairement au film. Patrick Godeau justifie la présence de cet animal dans le long métrage : "Sa présence n’est pas si incongrue qu’il y parait. On peut tout à fait concevoir que cet animal a été amené là pour l’une des somptueuses fêtes que Chouquette organisait du temps de sa vie maritale, et qu’il a été oublié. Quand j’ai appelé Natalie pour lui dire que notre héroïne aurait une otarie surnommée "Feuck", elle a d’abord éclaté de rire, mais on a gardé l’idée. Comme souvenir d’une vie antérieure, une otarie, ça a tout de même plus de gueule qu’un chien ! (rire)."
Alors que le roman se situe à Saint-Tropez, l'action du film se déroule en Bretagne, une région où Patrick Godeau a passé toutes ses vacances de sa plus petite enfance jusqu'à l’âge de seize ans. "J’ai vécu là-bas de grandes fêtes, qui m’ont marqué pour la vie. J’ai énormément fantasmé, en Bretagne. Dans tous les domaines d’ailleurs. On pourrait lire Chouquette comme un conte; l’histoire d’une princesse qui s’enferme dans le château fort d’une île en attendant le retour du prince charmant, qui lui même attend qu’elle quitte ce château pour y revenir", confie-t-il.
"C’est une femme seule, perdue, paumée, qui a été traumatisée par la dureté de sa mère et n’a pas réussi à se construire une vie privée. Elle débarque chez Chouquette avec un espoir dont elle sait sans doute déjà intimement qu’il sera vain : celui de revoir Gepetto, son ancien amant, qui fut aussi le mari de Chouquette. Quand elle comprend qu’il ne reviendra plus, elle s’attache à Chouquette. Au fond, ce sont deux solitudes qui se rencontrent, deux folies aussi. Elles sont toutes les deux à la fois dans le réel et en même temps dans le déni de ce qu’elles vivent. Elles se construisent des filtres pour atténuer le naufrage de leur existence. En fait, elles sont dans l’abstraction, qui est un bon refuge pour ceux qui souffrent. Les enfants qui ont une existence difficile sont, paraît-il, souvent très bons en calcul mental. Le monde des chiffres leur offre un bon terrain d’évasion."