Le titre est trompeur car il ne s’agit pas du tout d’un biopic de Winston Churchill, le film de Jonathan Teplitzky s’attache à 4 petits jours de la vie du célèbre Premier Ministre britannique. Ces 4 petits jours qui ne sont pas les plus forts, les plus importants ni même les plus glorieux de sa vie, mais les 4 jours où il est apparu clairement que Churchill avait perdu la main sur la guerre que menait son pays et sur les évènements ô combien cruciaux sur le point de se produire. Pourquoi diable s’attacher à ce moment précis de la vie de Churchill où, clairement, il s’est montré défaitiste, ou objectivement, il s’est trompé ? Modestement, je dois avouer que je ne savais pas à quel point Churchill était opposé au Débarquement en Normandie, et qu’il avait même tout mis en œuvre pour le faire capoter. Du coup, la première qualité de ce film aura été de mettre le focus sur un aspect que la légende Churchill a bien occulté après la guerre, et c’est une qualité historique non négligeable. Jonathan Teplitzky propose un film honnêtement réalisé, sans fausse note mais sans génie. Je m’interroge néanmoins sur son utilisation fréquente, pour ne pas dire abusive du flou. Surement qu’il devait trouver que cela apportait de l’eau au moulin de son personnage (en plein flou lui aussi) mais j’ai trouvé que cette façon de filmer n’était pas toujours pertinente. Musique omniprésente mais sans imagination, montage chronologique sans originalité, quelques scènes qui tirent en longueurs et d’autres franchement bavardes, Teplitsky ne parvient pas à sortir du lot en terme de réalisation. Il nous offre même quelques scènes vue, revues et re-revues (la scène du discours qu’on écoute religieusement autour du poste, celle de la secrétaire qui parle de son fiancé…), et au bout du compte, le film parait un peu long, un peu bavard et un peu formaté, ce qui est quand même dommage quand on met en scène un personnage aussi truculent que Churchill. Brian Cox lui donne corps de manière convaincante, et les seconds rôles sont également très bien tenus, notamment par John Slattery, Julian Wadham et Miranda Richardson. Tous tentent (et réussissent) à rendre compte de l’extrême tension qui régnait au cours des 6 premiers jours de juin 44. Cela fait des mois que le Haut Commandement Allié prépare le plus grand débarquement maritime de l’Histoire, c’est un coup de poker dans tous les sens du terme puisque le grand bluff a été mis en place avec l’Opération Fortitude. Cette opération (passionnante) de contre-espionnage, qui consistait à faire croire aux Allemands à un Débarquement dans le Pas-de-Calais, a été pour beaucoup dans le succès du D-Day et c’est un grand succès pour le MI-6. Du coup, on ne comprend pas bien que le sujet ne soit même pas évoqué dans le film, tant il est une composante essentiel du succès (ou non) du Débarquement. Ce n’est pas le seul petit oubli, le nom de De Gaulle n’est même pas prononcé non plus. En fait, le Débarquement en lui-même n’est qu’une toile de fond pour le film de Jonathan Teplitsky, et plus on avance dans le film plus on comprend que ce n’est pas cela qu’il cherche à montrer. Ce qu’il veut montrer à l’écran, et il y parvient, c’est le décalage terrible entre Churchill (vieillissant, obnubilé par ses souvenirs de la Grande Guerre, par les tranchées, par le gaz moutarde, et surestimant de beaucoup son pouvoir en terme de décisions militaires) et Eisenhower (plus jeune, militairement plus audacieux, plus conscient de la réalité de la Guerre). Même si les USA ne sont entrés en guerre qu’en décembre 1941, c’est en leur faveur que le rapport de force a basculé. Face à face on a un Premier Ministre vieillissant et apparemment frileux, à la tête d’un Empire qui n’en est déjà plus un et un futur Président des Etats-Unis d’Amérique. C’est le basculement du centre de gravité du monde occidental qui est montré à l’écran. Churchill, en 1944, est déjà un homme du passé, soucieux du sang versé comme l’ont été tous ceux qui ont connu la Grande Guerre (il évoque la Guerre des Dardanelles, qui l’a visiblement traumatisé) mais resté bloqué sur des tactiques militaires « à l’ancienne ». Ce n’est pas un militaire, c’est un politique,
et il faut que ce soit le roi George VI lui-même qui lui fasse comprendre qu’on ne peut pas être l’un et l’autre dans le même temps
. Sur tous ces aspects, le film est réussi et assez pertinent. Mais son coté formaté, bavard et longuet le dessert. Et pour couronner le tout, le générique de fin prend le spectateur pour bien plus bête qu’il n’est en nous précisant que « le Débarquement a réussi et que l’Allemagne à capitulé le 8 mai 1945 ». Franchement…