Rohmer est le cinéaste le plus difficile à approcher que je connaisse, je ne sais jamais si je regarde un vieux téléfilm ringard et fauché ou à un vrai travail d’artiste. Le film se présente comme quatre court-métrages sur Reinette et Mirabelle, soit une campagnarde et une citadine. Le premier aborde l’extraordinaire de la rencontre (ici une amitié) dans l’ordinaire du quotidien, le deuxième est une forme de saynète de la vie parisienne moderne, le troisième une étude plus poussée de la misère urbaine, et le quatrième ressemble à un épisode de série, avec son intrigue résolue à la fin. Les deux interprètes, qui se complètent totalement, sont très bonnes et naturelles, et le charme fou du film réside vraiment pour moi dans cette idée superbe de quatre petites aventures plutôt qu’une plus longue histoire. J’ai lu dans un commentaire négatif que le côté « Oui-Oui monte à Paris » n’avait pas été apprécié, alors je trouve que c’est au contraire là d'où le film tire sa plus grande force, cette énergie ludique et enfantine (notamment par l’absence d’histoires d’amour, rarissime chez cet auteur) rafraîchit considérablement le cinéma de Rohmer qui sent parfois le renfermé, et notre attachement pour les héroïnes n’en est que plus fort. Cette structure en quatre courts permet aussi de développer avec beaucoup de finesse quelques thèmes qui reviennent se faire écho : le thème de l’argent (dans la société) et celui du silence (dans l’intime). En cela ces 4 Aventures de Reinette et Mirabelle m’apparaît vraiment comme un condensé mais aussi un aboutissement de tout le cinéma de Rohmer !
Je ne suis pas passionné par les films à Sketches aussi j’ai regardé le premier ‘’l’heure bleue’’ comme un court métrage, je l’ai trouvé lumineux et rare. Filmé comme un film d’amateur, il fait belle part à l’improvisation et ne demande presque pas de jeu aux deux comédiennes qui doivent se contenter d’être naturelles. C’est un modèle parfait pour tous les cameramen des vacances. Il y a dans le l’ ‘’heure bleue ‘’un passage magique, c’est au moment ou les deux jeunes filles s’étreignent après avoir vécu ensemble la minute de silence, Rohmer est un maitre pour filmer l’instant de la qualité de l’effusion…Cela suffit pour rendre ‘’l’heure bleue inoubliable’’. Les autres sketches sont bien différents, ils sont beaucoup plus artificiels et faussement intellectuels, le numéro du garçon de café n’a pour lui que son humour et le talent de Philippe Laudenbach, neveu de pierre Fresnay. le passage en grande surface est plutôt douloureux et on comprend mal pourquoi Mirabelle ne rend pas le contenu du sac au magasin. Enfin le numéro de Fabrice Lucchini et sa conclusion font vraiment penser à un sketch de boulevard. Les 5 étoiles sont donc pour la première aventure, je n’ai guère aimé les autres malgré leurs qualités.