Deux vieillards, que l’hospitalisation et le placement en institution spécialisée guettent dangereusement, s’évadent dans leur camping-car brinquebalant pour rallier Key west, à la recherche d’un dernier souffle de liberté et d’un passé qui s’effiloche inéluctablement. Contrairement à d’autres road-movies avec des personnages âgées, celui-ci ne se déroule pas un train de sénateur mais obéit à une sorte de course résignée contre la montre. Lui, intellectuel bougon, perd la mémoire. Elle, c’est moins clair au début mais on comprend vite que ça ne va pas non plus. Ces finissants traversent les Etats-unis du nord au sud, sur les traces des paysages de leur jeunesse, des souvenirs heureux, des motifs d’un pays dont ils s’étonnent qu’il ait pu changer à ce point en quelques décennies. Ici, le voyage compte vraiment plus que la destination car on sait, d’instinct, comment tout va se terminer, que cela figure en toutes lettres dans le script ou soit laissé à l’imagination du spectateur au moment où le générique de fin commencera à défiler. Dépourvu de prétentions auteurisantes pompeuses, soucieux de rester accessible à tous, ‘L’échappée belle’ aurait pu concourir à Sundance, quoique la facture européenne de la réalisation et de l’adaptation se ressente dans le fait que les scènes lacrymales fassent preuve de retenue et qu’un certain humour noir soit plus qu’apparent : même avec la mort en ligne de mire, un vieux couple reste un vieux couple, complice, toujours amoureux, qui regarde le passé avec la sérénité de ceux qui ont accepté qu’il était trop tard pour revenir en arrière et qui se chamaille sur des sujets plus ou moins stratégiques. Les moments drôles abondent et pourtant, cette odyssée est d’une essence strictement dramatique avec ce vieil homme diminué et dépité, dans ses moments de lucidité, par ce qui lui arrive, et son épouse épuisée de ne jamais savoir si l’homme à qui elle parle se rappelle encore qui elle est. C’est un drôle d’atmosphère qui imprègne ‘L’échappée belle’, à la fois comique et tragique, parfois dérangeante car peu prisée du cinéma, mais qui vient rappeler que la souffrance n’empêche pas l’humour, et que le seul enjeu est de profiter de chaque seconde que la vie peut offrir. Quant aux quelques faiblesses occasionnelles du script, elles sont tempérées par la présence de deux immenses acteurs, qui savent s’effacer intégralement derrière leurs personnages.