La véritable guerre des étoiles
"Ad astra per astera", "Vers les étoiles, à travers la difficulté". C'est sur la devise latine de la NASA que s'ouvre le film de James Gray, et bien que l'infinité de l'espace soit le cadre de son intrigue, l'œuvre a autant du blockbuster de science-fiction que de la fable intimiste.
Dans un futur proche, Roy McBride, ingénieur et astronaute de la NASA, est envoyé en mission secrète à l'autre bout du système solaire. Son objectif : retrouver son père depuis longtemps disparu, celui-ci étant à l'origine d'un phénome aussi inquiétant qu'incompréhensible, la surcharge, une puissante et régulière décharge électromagnétique émise depuis Neptune.
James Gray adopte d'abord un point de vue critique et pessimiste : loin de sa planète bleue, qu'il lorgne avec mélancolie par le hublot de sa navette, l'officier McBride contemple les erreurs d'une humanité égoïste et belliqueuse. Ainsi, les cratères lunaires, colonisés il y a moins d'un siècle, souffrent déjà des affres de la piraterie. Si la première heure impressionne par les choix ingénieux et élégants du réalisateur, qui a le bon goût de suggérer la technologie et la modernité par de menus détails plutôt que par des visuels tape à l'œil, préférant le silence d'un espace vide et froid à une musique tonitruante, c'est dans sa seconde partie qu'Ad Astra émeut finalement.
Aussi froide et sombre que se figure de proue aliénée (Brad Pitt, magistral tant dans l'apathie que dans l'émotion), l'odyssée spatiale devient peu à peu contemplative, une épopée intérieure plutôt que spatiale où l'homme, prisonnier d'une société militarisée sous constant contrôle, doit voyager seul jusqu'aux confins du monde et de son être pour pouvoir ressentir de nouveau.
Dans Ad Astra, les hommes sont en guerre, ils luttent contre leur propre colère, ils luttent contre leurs frères également, pour l'extension de leur territoire spatial, mais ils luttent surtout contre leurs pères, ces pères mélancoliques et insensibles, voulant s'élever plus haut que les cieux, laissant à leurs orphelins de fils les conséquences de leurs ambitions démesurées.
Si le film a divisé (au cours de ces deux heures, la durée de certaines séquences paraît astronomiquement longue), il ne cesse de questionner les terriens que nous sommes : faut-il enfin couper le cordon, et ainsi tuer le père ?