Inter…éssant ou Inter…minable?
Je ne sais pas trop quoi dire de ce film, est-il fabuleux ou est-ce de l’esbroufe totale? Probablement un peu des deux. J'ai eu la chance de le voir dans une salle de qualité, au 2ème soir d'exploitation, sans aucun bruit parasite car nous n'étions...que 6 dans la salle.
Imaginons le simple scénario d’un homme à la recherche de son paternel, un marin au long cours, l’ayant abandonné enfant pour fuir sur une île hostile et déserte suite à une expédition polaire. Devenu adulte, l’enfant, lui aussi navigateur, décide de traverser les océans sur un bateau à voile afin de faire face à son paternel..et à lui-même.
Le pitch sent le film d’auteur français à plein nez, genre: Romain Duris, rasé de près, participant à la route du Rhum avant de choisir son propre chemin. Transposez-le à Hollywood et le décor devient l’espace, ajoutez-y quelques explosions, des pirates (sur un bateau ça fonctionne aussi) et une touche de suspense et vous avez Ad Astra.
L’image et les décors sont magnifiques, il se rapprochent du style d’interstellar, mixé avec 2001 Odyssée de l’espace pour son aspect réaliste, Mais il porte les mêmes défauts que ses pairs: les plans sont inter….minables, d’une lenteur si démonstrative que cela ressemble parfois plus à un documentaire ‘live’ qu’à un film. On ressent parfaitement que les soubresauts d’action et de suspense sont là uniquement pour donner des impulsions de vie au film, comme un coeur artificiel qui se contracte machinalement pour empêcher le corps de mourir.
L’histoire de cette relation père-fils me parle personnellement, et je ne suis probablement pas le seul. Et je pense que nous sommes tous touchés par une forme de solitude à un moment ou un autre de nos vies. Et bien que beaucoup soient entourés d’amis et de familles, pour certains le bonheur n’est souvent qu’une façade sociale. La voix off l’évoque parfaitement lorsqu’elle dit avoir ‘toujours le sourire face à quelqu’un’. Par exemple, l’entretien psychologique à répétition est très intéressant car il est une sorte de balisage social, de reformatage utile à recalibrer McBride, à la conserver dans le moule. J’ai trouvé intéressant que Grey montre que l’homme, où qu’il soit, reproduit les mêmes travers que dans son milieu social initial: où qu’il aille, l’homme finit par reprendre ses habitudes destructrices, non pas par les choix qu’il s’impose mais par les ordres ou les usages qui lui ont été imposés par la société.
Pourtant le traitement ne m’a absolument pas touché, je n’ai pas réussi une seule seconde à avoir de l’empathie pour Roy McBride. Que Brad Pitt joue à la perfection le rôle que lui a imposé James Grey ou qu’il donne sa propre interprétation n'y change rien, je n’ai aucun sentiment pour le protagoniste principal, je ne m’identifie pas du tout à l'astronaute bien que son histoire personnelle me parle réellement. Les seconds rôles n’ont aucune personnalité non plus (les ressent-on au travers des yeux de McBride?), Liv Tyler, Donald Sutherland et même Tommy Lee Jones sont de simples accessoires de façade. La seule qui donne une petite impulsion au scénario est Ruth Negga, mais cela ne dure qu’un instant avant d’enchaîner sur un des moments des plus WTF du film. Car bien que ce film soit hyper-réaliste, il bouscule à plusieurs reprises la suspension consentie d’incrédulité et ça c’est vraiment dommage.
La finalité du film m’est à l’évidence totalement passée au dessus, la faute peut-être aux teasers qui nous faisaient miroiter quelque chose d’incroyable alors qu’en fait, tout est très très consensuel. Et c’est là aussi qu'Ad Astra échoue face à Interstellar ou 2001 qui, dans leur finalité, étendaient leurs univers bien au delà de l’écran tout en ouvrant des pistes de réflexion sur l’humanité, sa condition et sa place dans l’univers.
Grey a beau essayer, Ad Astra n’y arrive pas, et il l'a probablement voulu comme ça vu que le but de ce voyage initiatique est "soi-même". Mais alors comment se satisfaire d’un tel film dont la recette semblait sublime pour au final ressembler à un simple soufflé sans gluten. J’ai pas mal d’empathie généralement, j’adore les films d’espace et même si c'est dingue que je puiss dire ça, je pense que ce scénario n’a rien à faire dans le vide spatial, il se serait contenté d’une simple croisière en solitaire et d’un journal de bord en papier, ça me semblerait bien plus satisfaisant.