Surtout ne pas se fier à la campagne marketing, de l’affiche en passant par la bande-annonce et donc la manière générale de vendre le film. Encore moins au pitch basique et vu de chez revu qui voit un homme venger la mort de son fils par ses propres moyens en éliminant les membres d’un gang un par un. Et surtout ne pas se dire que la présence de Liam Neeson, qui a amorcé un étonnant virage de carrière depuis une dizaine d’années en se spécialisant dans les films d’action interchangeables alors qu’il avait cinquante ans, est synonyme de redite de ses récentes prestations dans les « Taken » et consorts (notamment les trois films de Jaume Collet-Serra « Sans identité », « Non-stop » et « The Passenger »). Non surtout pas. Car « Sang froid » recèle quelque chose de différent dans son ADN qui fait toute la différence. C’est le remake d’un film norvégien sorti il y a cinq ans, intitulé « Refroidis », par son propre réalisateur.
Si la première demi-heure reste classique, avec famille endeuillée par la mort du fils, début d’enquête et naissance d’un désir de vengeance, la suite devient de plus en plus mordante. Voir Liam Neeson sortir les poings et démolir du gangster étant devenu d’une banalité affligeante prompte à blaser n’importe quel spectateur un temps soit peu exigeant, le cinéaste norvégien s’en sert comme d’un levier pour le surprendre. D’ailleurs l’acteur a rarement été aussi peu expressif, il serait temps qu’il prenne un peu de repos, quant à Laura Dern elle ne fait que passer pour, semble-t-il payer ses factures. Petit à petit, ce sont les situations et les dialogues qui deviennent de plus en plus croustillants. Les scènes de mise à mort sont exécutées avec une espèce de recul ironique et de violence sèche qui n’est pas sans rappeler le « Fargo » des frères Coen, renforcé par le cadre enneigé du film. Quant aux dialogues, ils lorgnent vers ceux du Guy Ritchie des débuts voire d’un Tarantino parfois, mais de manière plus réaliste et pépère.
D’ailleurs, « Sang froid » est drôle parce qu’il matérialise ce que pourraient vraiment être ce type de situations entre gangsters si elles arrivaient, loin de l’excès d’action ou de répliques expédiées à la va-vite. Et c’est là que le script surprend (et prend peut-être parfois un peu trop son temps). En donnant de la consistance à tous les seconds rôles qui entourent le protagoniste principal, un personnage central qui en devient presque effacé et accessoire. Entre un méchant beau gosse superbement interprété par Tom Bateman, un frère rangé des flingues et sa maîtresse asiatique, un duo de flics dissemblable, des indiens énervés et surtout toute une clique d’hommes de main de tous genres dont un couple gay insoupçonné, c’est particulièrement inattendu et bien vu (le film prend d’ailleurs un plaisir malin à les nommer au fur et à mesure de leur mort par des encarts affublés d’une croix, une idée excellente et pleine d’humour noir). Très rarement ce type de seconds rôles n’avait été aussi étoffé et mis à l’honneur dans une production de cet acabit et c’est à souligner. Et tous leurs échanges font le sel d’un polar, mais baigné d’un humour à froid très second degré et de mises à mort jouissives qui en font l’originalité. En plus c’est bien réalisé avec un contexte de station de ski bien mis en valeur. Pas le film de l’année mais assez distrayant, décapant et imprévisible pour s’en réjouir un samedi soir au ciné.
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