Avis sur Euphoria

Euphoria est tout ce que Youth n’est pas : soit l’élaboration d’une forme capable de convertir un thème douloureux – la fin de vie – en ode à l’existence humaine dans ce qu’elle a de plus fragile et de plus beau, en symphonie que seul l’art peut immortaliser et réfléchir. Sorrentino réussissait, par la mise en contact de corps et de matériaux hétéroclites, à convertir le vieux en neuf, de ressusciter au moyen de l’art ce qui est destiné à disparaître afin de lui donner une nouvelle vie. Euphoria n’a d’euphorique que son titre et ne parvient qu’à se complaire dans le malheur qu’il met en scène : c’est un mouroir pour ses deux actrices au talent certain mais ici cruellement sous-exploité, puisque la réalisatrice, soucieuse de traduire à l’image la distance qui sépare les deux sœurs, se tient écartée, cultive le retrait, rend ternes les beautés fragiles d’Eva Green et d’Alicia Vikander. Deux actrices que l’on ne filme pas, que l’on ne photographie pas, que l’on n’aime pas. Et les violons qui grincent. Le pire étant les réflexions pseudo-philosophiques sur l’existence humaine menées avec des cancéreux en phase terminale : « En réalité je comprends tout, mais je n’ai encore trouvé le sens de rien », qu’il dit, l’autre, avant que la cloche ne sonne son heure. Comme nous, en fin de compte : tout est si prévisible, si ampoulé, si démonstratif, que nous ne trouvons le sens de rien, ni la pertinence du geste artistique, ni la démarche esthétique – si démarche esthétique il y a –, ni cinéma dans cette boursouflure qui boîte et se plaint, esquisse grise et mal décalquée d’un adieu à la vie qui aurait dû constituer le point de départ d’une vie autre. Preuve qu’une idée, qu’un concept ne sauraient faire cinéma.

Imaginons qu'un membre de votre famille ait un cancer. Ils vous emmènent dans un camp occulte de suicide éloigné. Puis sur place vous apprenez pourquoi vous êtes là et c'est une situation cauchemardesque en soi. Les signes d'avertissement sont immédiats pour le rôle d'Alicia Vikander et pourtant elle continue et la crédibilité et le réalisme s'envolent par la fenêtre en un instant. Avec un scénario qui a la maturité d'une rumination universitaire de première année sur le sens de la vie ce film catatonique se mélange comme des jambes arthritiques. Si seulement cela avait été moitié moins long cela aurait pu alléger l'endurance pour tous. Les personnages et les prémisses sont légèrement tirés de la Montagne magique de Thomas Mann comme le voit Peter Greenaway. Euphoria est de la médiocrité qui aspire à être grand et profond à la fois. Le titre du film lui-même annonce avec anxiété cette intention. Le paradoxe dans ce contexte est un cliché. Les dialogues sont délibérément guindés, artificiels et en tant que tel renforce l'effet de présage et de signification mais il s'agit d'un geste adopté d'une telle superficialité qu'il ne sollicite pas l'attention et l'intérêt d'un spectateur...

Un sujet des plus polémiques, la fin de vie. Les "anti" y trouveront toutes les incongruités scientifiques et morales, au contraire des "pro" qui salueront le courage de l'œuvre. A chacun de s'orienter selon ses propres convictions.
"Euphoria" tente une approche réconfortante, apaisée. Pour apaiser les débats ? Si tel est le cas, l'objectif est manqué, car le spectateur va endurer moultes difficultés à éprouver de l'empathie pour ces deux femmes dont le destin s'apprête à basculer. Peut-être par ce regard trop prudent....

Quel film déroutant par son manque d'empathie pour les personnages aux dialogues ampoulés et sans émotion ou réelle sincérité. Tout y est artificiel jusqu'au jeu des acteurs. On comprend au vu de l'ampleur de l'échec qu'aucun éditeur n'ai voulu le mettre à son catalogue de DVD ou Blu-ray. Dommage car il reste la beauté plastique d'Eva Green (prononcer "graine" merci) qui reste intacte avec les cheveux courts.