Un couple en train de se divorcer vend son appart. Ils se voient presque plus, chaque un à un nouveau couple et le seuls conversations qui tiennent entre eux sont des disputes assez violentes. Une fois le foyer vendu, une nouvelle vie les attendrait sauf pour un détail: leur enfant. Le fils qui est arrivé par accident, qui n'a jamais été voulu ni aimé, qui fait des nuits blanches en pleurs et qui ne parle plus. Un jour, ce fils partira pour ne plus jamais retourner.
Zvyagintsev est devenu, avec Sokurov, le réalisateur russe contemporain le plus admiré grâce à son travail derrière la caméra. Dans Le retour, son début qui remportait le Lion d'Or à Venise, le sujet de la décomposition et recomposition d'une famille était traité avec grande virtuosité: un rythme reposé et une technique visuelle hérité de Tarkovski qui devenait évidente dans l'épisode sur l'île déserte. Hors, le réalisateur n'a pas gagné son prestige seulement pour avoir copié ses maîtres, sinon qu'il a aussi osé à attaquer les structures de pouvoir, l'Église et le gouvernement de Putin, dans son précédent Léviathan, prix de la meilleure mise en scène à Cannes. Faute d'amour, par contre, retourne au sujet de la famille et l'éducation visant sur la société russe comme cible de sa critique. Même si on entend les échos des journaux-télé qui transmettent l'invasion de la Crimée, car le film se passe en 2012.
Un prodige technique. Chaque plan fixe a une raison pour l'être, chaque mouvement de caméra aussi. Le côté technique de Faute d'amour éblouit faisant de chaque cadre une photo parfaite. Comme exemple, l'image fixe presque en noir et blanc d'un bois désert enneigé. Après un légère mouvement de caméra on découvre des petits point oranges entre les branches des arbres qui avancent lentement vers nous: ce sont les volontaires qui cherchent le gamin. Un autre exemple, dans une chambre obscure un home se lève. Il s'approche de la fenêtre, il ouvre les rideaux, la lumière entre dans la pièce et l'image s'éclaircit. Il avance vers la caméra, puis il sort du cadre, toujours fixe. On entend comment il allume sa télé hors du plan et les actualités à la télé. À ce moment, la caméra avance vers les draps du lit, qui bougent légèrement et on découvre la tête de la femme, qui se réveille avec le bruit. Cette scène nous introduit dans la journée de ce personnage. Preuve que l'image nous raconte une grande partie de cette histoire sans besoin de rendre les faits trop évidents avec des dialogues.
Le pilier narratif de ce film c'est la suggestion, non seulement avec l'image mais surtout grâce au scénario, qui nous permet d'analyser nous mêmes les comportements des personnages. L'homme semble plus préoccupé par sa promotion que par ses proches et on le verra refaire le même schéma de désengagement, abandon et frustration avec sa nouvelle famille. Spéciale mention à la violence de la scène du berceau vers la fin du film. La femme, superficielle et agressive, s'ouvre sans pudeur à une nouvelle conquête dans un monologue au lit. Son copain semble distant et désintéressé. On comprendra la supériorité avec laquelle il traite cette femme une fois qu'on voit à quelle type de restaurants l’amène. On saura quel vide essaye-t-il de combler dès qu'il parlera avec sa fille à l'étranger, qui ressemble beaucoup à sa copine, via Skype. La question qu'on se pose c'est pourquoi cette femme aurait-elle besoin de l'approbation d'un homme qui, comme le précédent, ne l'aime pas. La réponse arrive quand on connaît sa mère, despote et froide.
Regardant ces personnages si misérables, la disparition de l'enfant se transforme en une espèce de liberté douloureuse. Personne ne mérite une telle ambiance pour grandir. On ne verra jamais les trois membres de la famille dans la même chambre. Non plus exprimer leur amour. C'est pour cela que la scène du sous-sol frappe si fort. La seule fois que l'enfant pourrait être présent avec ses parents. Cette scène transforme le chagrin le plus viscéral, celui après un choc, en amour. La théorique présence du fils nous montre la tendresse et l'humanité de deux personnes détruites à jamais. Comment aurait-il été possible que cette famille se sauve, même si maintenant c'est déjà trop tard.
Zvyagintsev analyse cette famille pour la prendre comme exemple d'une société russe à qui on reproche un manque d'empathie et solidarité. Dans le dernier plan du film on voit la femme courir sur un tapis de course avec le survêtement de la sélection russe. Sur la neige, elle essaye de continuer face au froid avec un fausse attitude positive, comme le patriotisme. Cependant, très peu après elle s'arrête épuisée, elle ne peut plus continuer. Voici le message du réalisateur à ses compatriotes.
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