C'est sûr, Andrey Zvyagintsev est un grand! Il est russe, très russe certes, mais dans Faute d'amour, son propos s'élargit -devient plus universel, plus humain aussi- que dans le génial Léviathan, qui était le film le plus russe que l'on puisse imaginer.
Ici, quand il décrit un monde sans amour, où la seule recherche qui vaille est celle de biens matériels, où les couples se déchirent sans aucune considération pour ces enfants qu'ils ont fait, on dépasse évidemment le petit univers de cette ville de la Russie du nord, cernée par la forêt.
Alyosha (Matvey Novikov) sait, bien sûr, que ses parents vont divorcer. Que l'appartement est en vente, qu'il va falloir quitter cette chambre où ce petit garçon introverti passe beaucoup de temps, au milieu de beaucoup de jouets. Mais, ce qu'il entend derrière une porte, au cours d'une de ces disputes haineuses dont Boris et Zhenya sont coutumiers -dès qu'ils se retrouvent en face l'un de l'autre-, ce qu'il comprend, c'est que ni l'un ni l'autre ne veulent de Lui. C'est que, dans leur nouvelle vie, à l'une comme à l'autre, il n'y a pas de place pour Lui. Que sa grand mère, seule autre famille disponible, ne veut pas de Lui non plus, et qu'il faudra trouver un pensionnat pour se débarrasser de Lui, bien loin et pas trop cher....
Ils se sont mariés parce qu'elle était enceinte. C'est Macha (Marina Vasilyeva) qui est enceinte maintenant, et Boris (Alexey Rozin) veut vivre avec elle, petite poupée infantile et geignarde, et on se doute bien qu'après elle il y en aura d'autres! Le seul petit problème pratique qui l'embarrasse, Boris, c'est que son patron, orthodoxe sectaire, ne veut pas de divorcé chez lui..... Zhenya (Maryana Spivak), elle, a trouvé le bon filon, un divorcé plus âgé qu'elle et riche, riche! Il suffit de voir son magnifique appartement très design (avec un arbre au milieu du living), qui donne sur la forêt pour comprendre qu'on a à faire avec un "nouveau Russe". Absorbés l'un et l'autre par leurs nouvelles amours, les parents vont mettre 36 heures avant de s'apercevoir que leur fils a disparu..... La police leur fait comprendre qu'elle n'a aucune chance de prendre en charge la disparition avant belle lurette (pas de moyens, pas de personnel, trop d'affaires à gérer....); là, la critique sociétale est patente, et les renvoie vers une association privée qui va, elle, déployer de gros moyens (beaucoup de bénévoles, donc, tout espoir n'est pas mort; il reste des poches de générosité...). Le film, c 'est cela: cette recherche de l'enfant, à travers cette forêt mystérieuse, qui devient vite effrayante comme celle du Projet Blair Witch, avec les averses de neige fondue, puis de grésil, puis de neige, à travers les hôpitaux aussi, et l'espoir qui petit à petit disparaît...
C'est un divorce dans la haine. Et la disparition d'Alyosha, vécue comme un désagrément de plus dans leur vie ne fait que l'exacerber, cette haine. La visite à la grand mère, chez qui il aurait pu se réfugier, est encore un grand moment d'affrontement, atroce, entre Zhenya et sa mère, horrible vieille mégère.... dans la voiture de retour, ils se crachent à la figure -leur seul point d'accord- que, oui, elle aurait eut mieux fait d'avorter....
Et ceux qui, se disant croyants, auraient pu présenter un visage moins noir? Haha! le patron orthodoxe est un bel exemple d'intolérance et de sectarisme. Et la vieille mégère se signe à tour de bras, tout en affirmant léguer sa vieille baraque perdue aux oeuvres, plutôt que de la laisser à sa pute de fille..
Film magnifique, film d'une noirceur, d'un désespoir absolu.