Jusqu’à présent, les colis arrivaient bien à son mari son mari, emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis. Cette fois-ci le colis lui est retourné. La femme douce va à la poste demander si on peut le renvoyé. Elle ne peut pas, 200 roubles est trop cher pour elle. Elle part alors sur ses traces, et se retrouve coincée dans un système soviétique pervers : aucune trace de son mari, selon une surveillante pas très sympathique... Mais cette femme douce va trouver de l’aide, pas toujours bienveillante...
Sergueï Loznitsa dresse un fascinant portrait de la Russie, où règne l’absurde : on emprisonne les gens pour un rien, on accepte de donner un colis à un prisonnier si on veut, on met le bordel dans un bureau de recours... Le réalisateur filme une Russie qui va très très mal, dévastée par tous leurs problèmes. Pour oublier, ils boivent, se couche à pas d’heure, et jouent à du strip-poker (ils mettent une bouteille sur la table, celui sur qui la bouteille tombe doit se déshabiller entièrement).
Sergueï Loznitsa fait aussi un véritable travaille sur le casting : du rôle principal au simple figurant, tous les visages, les caractères des personnages sont marquants. Grâce à cet atout majeur, le film devient d’un incroyable réalisme. Le réalisateur dirige très bien ses comédiens, mais plus particulièrement son héroïne – Vasilina Makovceva, superbe : elle ne se rebelle jamais, est captivé par le monde russe, qui se fiche des autres, et qui fait part d’un sacré égoïsme. Elle commence, petit à petit, à se rendre compte que son pays est pourri.
Il y a, aussi, dans cette fresque, quelques scènes inoubliables, d’anthologies presque. Dont une scène dans le train, où vodka et cornichons déjà sorti, des personnages, qu’on ne reverra plus, boivent, chantent, pleurent et parlent de leur triste passé devant une femme, qui, elle, essayera de retrouver, en vain, son mari. Il y a aussi une scène dans un bureau de recours, où l’actrice, Liya Akhedzhakova en l’occurrence, excellente, en a marre du bordel de la Russie, et l’exprime sous un texte remarquablement écrit. Dans une des dernières scènes, le cinéaste réuni tous les personnages qui ont aidé cette femme douce, et lui donnent une sorte de procès alors, qu’elle vivait dans son village tranquillement, avec son chien, et, à cause de l’injustice soviétique, se retrouve dans le pétrin. Dans un long film comme celui-ci, certains spectateurs pourraient penser que le film est ennuyeux et répétitif. Mais le cinéaste ne tombe jamais dans ce piège, et essaye de rester toujours original.
Une femme douce est un film qui ne ment pas, et qui ose. Le réalisateur dit les choses en face : à travers ce portrait d’une Russie inhumaine, puisqu'un homme est l’équivalent d’une poussière dans ce pays, Sergueï Loznitsa montre que c’est notre monde qui ne va pas bien. Sergueï Loznitsa moralisateur ? Oui. En embrassant ce sujet, le cinéaste ukrainien transmet un message d’espoir, à la Russie et au monde.
Sergueï Loznitsa montre que ce pays est une prison, et pose la question : est-ce que le monde russe n’a déjà pas été une prison ? Trois scènes résument parfaitement la Russie : une où, la femme douce, qui n’accepte pas comment on la traite et riposte, se fait arrêter par la police, et le policier dit : « Je vais être gentil, vous allez à la gare, vous partez, et vous êtes libre ». Comme si essayé de donner un colis à son mari était un crime. Une des dernières scènes du film, où l’héroïne se fait violer : en Russie, on viole la femme, on viole les lois, et ça ne gêne personne, ni des policiers, ni des citoyens normaux. Et une autre, où une bagarre éclate devant deux policiers, et eux, regarde avec un sourire aux lèvres cette bagarre. Avec ce film de fiction, Sergueï Loznitsa réalise un grand film, à la fois politique et romanesque. – Sandro Martinez, 10 ans