« Under the Silver Lake » (joli titre, superbe affiche) est une sorte de fable onirique interminable (2h20), filmée à l’ancienne, dans un Los Angeles moitié phatasmé, moitié surréaliste. J’avoue que le film fourmille de jolis plans, d’idées de réalisation intéressante, d’une utilisation intelligente des décors de la Cité des Anges qui a rarement été filmée avec talent. Los Angeles n’est pas une ville très intéressante au niveau architectural et elle est donc rarement mise en valeur par le cinéma, ce qui est ironique vu que c’est précisément LA ville du cinéma. Mais David Robert Mitchell la filme comme Damian Chazelle l’avait filmé dans « La La Land », c'est-à-dire avec une tendresse évidente. Cela dit, cela reste un Los Angeles de carte postale, rien de subversif, rien de glauque, rien de misérabiliste dans « Under the Silver Lake », on est très loin des ghettos : les appartements sont beaux, les actrices bien fichues, le temps est invariablement beau. Ca fait penser à « La la Land », beaucoup… Si ce n’est sa longueur inexplicable, le film de Mitchell est visuellement réussi, il y a même un peu d’humour décalé (voire trash) par moment qui fonctionne. La musique semble toute droit sorti d’un film des années 50, c’est un décalage intéressant surtout que certains plans font aussi penser à une réalisation « old school ». Ca se voulait sans doute un hommage à l’âge d’or du cinéma. Le problème, c’est qu’au bout de 15 minutes, on a compris qu’on allait trouver le temps abominablement long devant un film qui ne va nulle part. Ce n’est pas la mine ahurie permanente d’Andrew Garfield qui va nous aider à nous intéresser à la quête improbable d’un looser pathétique qui recherche une fille qu’il a à peine connu. De tous les seconds rôles, c’est encore Patrick Fischer qui hérite du rôle (bien trop court) le plus intéressant, le plus drôle et le plus écrit du film. Il incarne un écrivain complotiste complètement parano qui cherche des messages cachés et des faits divers dissimulés dans tout ce qui lui tombe sous la main. La seule scène où il intervient est la plus intéressante du film et elle symbolise parfaitement la dérive paranoïaque d’une société moderne qui cherche désespérément des solutions cachées aux questions complexes du moment. Pour ce qui concerne le scénario, et l’intrigue du film, ils sont totalement impossibles à résumer ni même à appréhender dans leur ensemble. La quête de Sam est une succession de rencontres, d’expériences, de jeux de pistes complexes (et totalement farfelus) qui le mèneront à un dénouement complètement improbable. Pour une raison peu évidente, le scénario se double d’intrigues secondaires aussi inutiles que bizarres,
comme le sérial killer de chiens qui sévit ou la femme-chouette qui trucide les habitants de la ville en faisant croire à des suicides.
En fait, j’imagine que le scénario de « Under the Silver Lake » est sorti de la tête d’un type qui venait de prendre de l’acide et qui s’est dit « Je vais écrire une histoire d’enquête pseudo policière sur la disparition d’une jolie bonde un peu nunuche et je vais en profiter pour y glisser des références à la pop culture, tout en la dézinguant au passage, ça va plaire aux intellos.
Je vais y mêler du complotisme à deux dollars, puisque c’est dans l’air du temps, je vais aussi y injecter une sorte de survivalisme branché, ça va bien avec le complotisme. Je vais y mêler des intrigues secondaires en laissant planer le doute sur une éventuelle schizophrénie de mon personnage principal.
Et puis bien sur, je vais terminer brutalement mon scénario par une scène qui ne veut rien dire parce que c’est moderne. Personne n’y comprendra rien, les intellos trouveront ça « merveilleusement subversif et délicieusement décalé » et avec un peu de chance, on ira au Festival de Cannes ! Le grand public, quand il aura compris que ce film est un fourre-tout indigeste, ce sera déjà trop tard : il aura payé sa place ! Je vais lui mettre quelques scènes de sexe et pas mal de filles dénudées, ça fera passer la pilule !». Voilà, le scénariste coupable en question, je le dénonce : c’est le réalisateur lui-même David Robert Mitchell, a qui je ne dis pas merci pour cette séance de cinéma interminable qui m’a emmené au bout de l’ennui.