J'ai revu le film avec sa mécanique implacable sous un autre angle sans que mon enthousiasme ne retombe.
D’abord , il ne s’agit pas d’une comédie comme la Promotion tente de nous convaincre pour remplir les salles . En premier lieu , le film est trop éclaté , demande une grande attention , échappe à la caricature et donc perd en efficacité immédiate ( une certaine lenteur ou redondance va être reprochée au film : 2 heures c’est assez rare dans la norme qualibrée ) , En deuxième lieu , il s’agit d’un film Monde ( au-delà du film de Altmann Un Mariage : 1978 ) dans lequel sont ouvertes les portes et les fenêtres pour que l’air du temps 2017 s’engouffre . En troisième lieu , car j’y vois un conte yiddish ou un épisode de la Comédie Humaine de Balzac ou des Rougon Maquard ( Zola ) synthétisée en 2017 en une journée dans un même lieu car le comique ne nait que des méprises , des problèmes de communication , du choc des mondes et des cultures , des non-dits .
Ensuite , ce film permet à près de 20 personnages à exister avec une pâte humaine et une mauvaise foi extraordinaires : ceci est très rare . En plus, il n’a pas été question de passer par les facilités d’une œuvre chorale avec des saynètes, mais toutes les scènes sont reliées par un fil invisible qui rend cette préparation et la réalisation de la soirée du mariage si essentielle pour aboutir à une rencontre et partage d’humanité dans une scène à ne pas révéler avec une musique de fusion .
Enfin, mon attention s’est porté sur 3 personnages Julien( Vincent Macaigne) , Adèle et Nabil , car ils sont des personnages de 2017 et pas de 1997 c'est-à-dire de ce siècle .
En effet , Adèle , française d’origine africaine , accède à une fonction d’organisatrice suppléante , avec une brigade masculine , situation inimaginable il y a si peu de temps . Elle a dû pousser des coudes , a un sens du système D à l’africaine , allant jusqu’à faire venir un vrai bras cassé pour lui rendre service . Elle ne lâche rien vis-à-vis du chanteur , mais elle démontre une agressivité et une pugnacité rares , d’une telle intensité qui donnent lieu à des situations fortes en comique . A Bacri , elle lui donne du fil à retordre qui pourtant continue à voir en elle sa dauphine . Et puis , ces relations tendues laissent place à autre chose que nous serons heureux de découvrir .
Pour Julien ,neveu de Bacri , il en va de même : il s’agit d’un doux rêveur , quoique très diplômé , ne trouve plus sa place dans l’Education Nationale comme cela aurait été possible dans la génération post soixanthuitarde , il est exclu , un traîne patin qui est obligé de faire des extras : il n’est pas que lunaire comme Pierre Richard dans les années 70 . Il devient pathétique parce que ce type de personnage ne trouve plus de place dans notre univers mercantile où travailler en tant qu’enseignant à l’époque où l’école doit former des élèves destinés à être prêts à l’emploi pour Le Patronat ( dernière invective de Pierre Gattaz ).
Quant à Nabil , il représente le prototype du migrant , nouvellement arrivé , qui ne connaît pas les codes de la Société Française , mais dont on se sert comme bouc-émissaire , homme utilisé comme outil par Bacri : les situations sont cruelles comme dans une comédie italienne , mais en réalité sont affligeantes , mais donnent matière à rire par la répétition des situations el la bienveillance de Bacri.
Ce sont ces trois personnages qui donnent au film une modernité et d’autant plus qu’ils sont incarnés par des acteurs inconnus du grand public et ne sont pas relégués à des place des subalternes ou des invisibles, mais ils jouent à égalité avec les autres héros du Sens de La Fête.
Cette œuvre que j’ai nommé film monde est une symphonie de l’Ame Humaine en société écrite par des amoureux de la vie, truculents, optimistes, le sourire toujours au coin de l’œil, sans nier la dureté de la Condition Humaine avec ces ports de masques obligatoires, avec le dérisoire.
Ce rire déclenché sera intelligent , complice , réparateur , comme un rempart à la noirceur et l’absurdité de l’existence , à cette nécessité d’user de faux-semblants très minables soit par vanité , honte ou lâcheté juste pour pouvoir exister
Et heureusement , vient un quart d’heure dont je ne dirai rien, même sous la torture , où par l’effet de l’obscurité , de la musique , des visages nus , la Force de Vie ( Simrah) surgit cette évidence que tous deviennent un . Un état de grâce et de plénitude , et ,puis voilà, toute cette farandole , ces quiproquos , ces disputes , ces angoisses , cette ironie pour aboutir à cet instant d’un monde meilleur , uni , lumineux possible et sans préchi-précha.
Pourtant , chacun reprend sa route , son chemin , transformé ou pas , mais des étoiles près les yeux , nourri s de ces instants si nécessaires d’Union , ceci s’entend pour tous les personnages côté cour ou jardin du film , mais pour nos les spectateurs devenus acteurs ou complices de cette soirée de mariage .
Merci , les Toledano-Nakache , d’avoir donné de la noirceur , du burlesque , du social , du dérisoire , à cette comédie , qui donnent à nos éclats de rire , la musique de l’intelligence et la joie de l’humanité retrouvée !