Un élément perturbateur sous la forme de Naomi, une jolie étudiante australienne, s'immisce dans la vie de deux couples : le premier est celui de son employeur, un archiviste déjà infidèle par le passé qui l'invite à entrer dans l'environnement dans lequel il se réfugie, le deuxième est celui d'un vague ami enfance que Naomi contacte pour rompre sa solitude, celui-ci va se servir d'elle pour justement échapper à son propre environnement...
Pour comprendre la dynamique relationnelle sur laquelle est astucieusement construit le nouveau film d'Alex Ross Perry (toujours d'ailleurs à contre-courant des canons du cinéma indépendant US actuel), il faut imaginer une sorte de pendule de Newton avec en son centre Naomi, élément plus ou moins conscient de discorde, entourée des deux maris des différents couples, ensuite de leurs femmes et enfin des soeurs de celles-ci. Si on devait résumer caricaturalement "Golden Exits", on pourrait imaginer sans mal le réalisateur/scénariste faisant s'entrechoquer ces personnages dans un sens puis dans l'autre pour les pousser à confier leurs états d'âme en réaction à leurs différentes entrevues. Il y a en effet quelque chose de très malin à avoir construit le film comme une sorte de miroir émotionnel entre ces deux couples finalement plus liés qu'on ne le pensait, chacun a le temps de vivre, de traduire ses peurs ou d'exprimer ses doutes face à une relation à l'intérieur de laquelle il étouffe. Mené sur un rythme nonchalant et une sorte d'esthétique citadine de début de soirée de printemps idyllique (d'ailleurs évoqué par le personnage d'Emily Browning), le film touche souvent juste dans les problèmes évoqués des couples modernes où les non-dits volent bien souvent en éclats lorsque les désirs et les doutes, eux, ne font que s'amplifier.
Mais l'approche finalement très écrite d'Alex Ross Perry connaît aussi son revers de la médaille : on ne peut que saluer la qualité évidente des dialogues mais on en vient rapidement à se demander dans quel monde des personnes peuvent se livrer à voix-haute à de telles auto-analyses de leurs maux relationnels à la manière de doctorants en anthropologie. Alors, bien sûr, les personnages évoluent dans un milieu aisé et donc plus intellectuel que le moyenne (on l'imagine du moins à cause d'a priori un brin caricaturaux) mais cela a aussi pour effet de nous détacher d'eux, de ne pas réussir vraiment à nous impliquer dans leurs tergiversations sentimentales à la fois banales et éloignées du commun des mortels, au contraire de leurs interlocuteurs fictifs qui, eux, y prêtent une oreille toujours passionnée.
En fait, en choisissant un cadre de moeurs urbaines finalement très conventionnel et réaliste, Perry perd de sa force, son précédent film "Queen of Earth" se servait de sa lisière avec le thriller psychologique pour apporter une plus-value non négligeable aux traits de caractère finement écrits de ces personnages plus brillants que la moyenne. Ici, ils évoluent tous dans leur environnement naturel qui n'amène pas vraiment la moindre surprise afin d'exalter notre plus vif intérêt.
Aloes, bien sûr, "Golden Exits" a toutes les qualités du monde pour être plaisant à découvrir : de sa construction en passant par son écriture jusqu'à l'excellence de son interprétation (on y croise des habitués du cinéma de Perry comme Jason Schartzman ou l'apparition habituelle de sa muse Katie Lyn Sheil... et des petits nouveaux avec Emily Browning, Mary-Louise Parker, Lily Rabe ou Chloë Sevigny) mais ce nouveau long-métrage d'Alex Ross Perry se révèle être finalement une oeuvre mineure de sa filmographie. Le personnage de Naomi se demandait à un moment pourquoi il n'y a pas de films sur les gens ordinaires, en voilà peut-être la meilleure raison...