Chaque victoire est en soi un tournant dans la Seconde Guerre mondiale. Dans l’engagement des forces américaines et Japonaises dans le pacifique, il y a bien des conflits qui résonnent encore dans les esprits, celui de Pearl Harbor et celui de Midway. Pour l’archipel Hawaïen, Michael Bay a fait le tour, dans son élan pyrotechnique et qui exploite le drame sur le ton d’un pseudo « Titanic » de l’époque. L’assaut fut en effet un naufrage pour les occidentaux, qui portent une cicatrice toute fraîche, renforçant leur volonté de repousser l’ennemi. Roland Emmerich ne choisit finalement pas de camp dans ce conflit, jusqu’à se détacher de ce que l’on connaissait de sa filmographie. Et bien qu’il revienne de loin après la suite catastrophe de « Independence Day », ce remake sonnera comme anecdotique, car John Ford et Jack Smight ont déjà fait le tour de la question, avec un zèle cinématographique et une consistance scénaristique, quasi-inexistante ici.
Ce n’est pas un secret pour tout le monde, le film manque clairement de visibilité, que ce soit dans le cadrage dynamique que dans un récit riche et qui nous perd dans les faits. Les effets visuels ne sont pas assez peaufinés, hors batailles, ce qui est désagréable à constater. Et l’intrigue semble de trop courte durée, car il a tendance à s’éparpiller et à négliger certains développements. Le film mise essentiellement sur les faits, racontant comme dans un documentaire, mais avec la mise en scène d’un cinéaste qui aime faire plaisir à son public. Quelques bribes d’assauts seront captivantes, mais le traitement de certains personnages est si balisé, que leur destin nous indiffère. Un certain équilibre trouvera la satisfaction souhaitée, mais nous retiendrons surtout les vilains défauts. Les personnages n’évoluent presque pas, hormis le cowboy aérien Dick Best (Ed Skrein), mais ce sera sans plus et sans émouvoir. Mais le casting est d’une richesse qu’on pourrait nommer tous les noms, mais l’important est de se focaliser sur le point de vue humain.
On fait asseoir Edwin Layton (Patrick Wilson) et l’Amiral Yamamoto (Etsushi Toyokawa) à la même table, dans une scène qui évoque déjà le premier pas des japonais. Et qu’il y avait dans leur verre, c’est à la fois du bluff et de la méfiance, comme ce qui allait refléter l’attaque surprise de Pearl Harbor. Le premier est intelligent, mais joue au poker avec bon instinct, justifiant ainsi l’importance des décrypteurs dans cette guerre. Nous avons même droit à une caricature d’un Hollywood, prêt à prendre tous les risques pour son public. Le réalisateur John Ford y apparaît excentrique, mais concentré et impliqué dans un combat qu’il ramènera au continent. Mais tout est trop lisse, voire trop propre pour ses soldats qui s’apparentent plus à un boys band qu’à quelque chose de plus féroce. Sans doute est-ce présent pour montrer une certaine diversité des différents corps armés et à différentes hiérarchies, ou le caractère lambda de la chose, mais c’est mal amené ou pas assez justifié pour qu’on s’attache à eux. Mais à défaut manquer de toutes ces choses, le film est loin d’être ennuyeux. Il reste dynamique et sait de temps en temps faire intervenir une tension crédible.
« Midway » est donc aux portes d’un tournant décisif, mais que l’on comprend subtilement. Cependant, on ne prend pas assez le recul sur le coup de poker, vainqueur d’un stratège d’échec, pour prétendre comprendre le sacrifice de tous ces aviateurs. Bien entendu, le film tente clairement de dépasser les attentes manichéennes en proposant d’épouser la culture et la noblesse des japonais. Leur rigueur est tout autre face à l’arrogance américaine qui se dissipe peu à peu, mais qui persiste encore en de nombreux points. C’est pourquoi le hasard veut que les plus opportunistes aient remporté une victoire face à adversaire qui avait tout pour gagner. Mais on ne conseillera pas cet œuvre, dans l’état actuel des choses, pour se remémorer l’Histoire. Celui de Jack Smight aspirerait à une meilleure approche de cette guerre, sans nous engraisser avec des effets à tout-va. Nul besoin d’immersion de la sorte pour convaincre, il suffit d’un bon flair et d'un travail soutenu sur tous les fronts.