Premier long-métrage réalisé par l'actrice Jennifer Morrison, héroïne des séries "House" et "Once upon a time", "Sun Dogs" est une de ces rares comédies dramatiques indépendantes US qui voit la sensibilité prononcée de son auteur lui permettre de se distinguer sans mal de la masse d'un genre de plus en plus (in)consciemment formaté.
Depuis le 11 septembre 2001, Ned Chipley, un jeune homme mentalement déficient, est obsédé par l'idée de rejoindre les Marines pour combattre des terroristes. Alors qu'il est sur le point d'être logiquement recalé pour la quatrième année consécutive, un sergent-recruteur lui propose le titre imaginaire de Sun Dog pour gentiment se débarrasser de lui. Chargé de repérer de potentiels cellules terroristes dormantes dans son voisinage, Ned va évidemment prendre ce nouveau rôle très au sérieux et, avec l'aide d'une jeune fille marginale nommée Tally, il se met à espionner l'employeur du casino où il travaille, persuadé que celui-ci prépare une attaque sur le sol américain...
À l'instar de la magnifique photographique dorée dans laquelle baigne le film, "Sun Dogs" est traversé en permanence d'une grâce indicible que l'on sent émaner sans peine du regard de sa réalisatrice. Impossible de ne pas ressentir la tendresse qu'a Jennifer Morrison pour tous ces personnages, elle rayonne à chaque seconde de "Sun Dogs" allant même jusqu'à transcender le schéma narratif attendu dans lequel le film a tendance à parfois s'inscrire.
Comme l'influence de Ned dont l'obstination pousse plus ou moins consciemment toutes les personnes de son entourage à ne pas stagner in fine dans leurs vies, la vision sensible de la réalisatrice semble créer une sorte d'osmose parfaite entre tous les éléments qui la composent pour que ceux-ci se mettent à briller afin de la respecter et de nous la transmettre.
Évidemment, il y a Ned (Michael Angarano de la série "The Knick"), tellement heureux d'avoir enfin pu faire de sa fascination militaire un but existentiel et lancé dans une quête avec son lot de quiproquos fonctionnant aussi bien à plein régime sur le terrain de l'humour (le running-gag de la tête décomposée du sergent à chaque nouvelle vidéo envoyée par sa "recrue" est tout simplement hilarant) que sur celui de l'humain à travers son évolution jusqu'à une inévitable prise de conscience sur le sens à donner à sa vie et à sa volonté d'aider à tout prix son prochain (les dernières minutes sont en ce sens magnifiques en terme d'aboutissement à son histoire).
La relation entre lui et Tally basée sur un malentendu innocent amené à exploser à un moment ou à un autre s'avère aussi être une des composantes les plus touchantes du film. Véritable révélation et soleil du long-métrage, Melissa "Supergirl" Benoist apporte une forme de fragilité naïve à un personnage déjà brisé par la vie mais qui retrouve en Ned l'espoir d'en regoûter les meilleurs aspects. Chacune de leurs scènes où leurs échanges impressionnent par leur justesse sur tous les registres fait encore battre un peu plus le coeur d'un film qui en a un décidément énorme (même le passage obligé du point de rupture sera traité avec une vraie finesse).
Dans le rôle des parents, Allison Janney et Ed O'Neill apportent leur statut de valeures sûres dans des personnages qu'ils ont déjà plus ou moins interprété par le passé mais qui, cette fois encore, révèlent plus de facettes subtiles à explorer par leur importance sur la route existentielle de Ned.
Les premiers pas de Jennifer Morrison derrière la caméra s'avèrent donc très convaincants et confèrent à "Sun Dogs" une identité visuelle qui lui est propre tout en s'inscrivant dans la veine traditionnelle de ce cinéma indé américain. Souvent magnifié par la musique de Mark Isham, "Sun Dogs" est un de ces films délicats dont on n'a pas envie de quitter l'ambiance aussi vite, où l'appellation "feel-good movie" n'est pas synonyme de mièvrerie dégoulinante, où l'on a aimé accompagné les personnages sur ce bout de chemin déterminant de leur vie, où (plus spécifiquement à celui-ci) on a ressenti toute la subtilité de la thématique de la compassion existante entre les protagonistes et l'intelligence pour la traiter, ... En fait, il y a vraiment quelque chose de lumineux en permanence dans "Sun Dogs" qui fait qu'on a le plus grand mal à ne pas s'y attacher. Une chose est sûre, on sera là pour le deuxième film de cette nouvelle réalisatrice en espérant y ressentir tout ça à nouveau.