L’idée de départ de « L’ascension » est toute simple, il s’agit d’adapter la vraie histoire de Nadir Dendoune, premier habitant de Seine-Saint-Denis à gravir le toit du monde, avec une expérience de la montagne proche de zéro mais une volonté en acier trempé. Plonger un novice dans un univers pointu n’est pas un ressort nouveau au cinéma, « Rasta Rockett » il y a longtemps, « Good Luck Algeria » l’année dernière, mais le point commun de ces films, hormis qu’ils s’agissent de comédie plutôt réussies, est qu’ils sont le reflet d’une histoire vraie. Le savoir avant de voir le film est important car du coup, on est obligé d’y croire, on ne peut pas douter de la crédibilité de l’histoire. Et je vais être honnête, si je n’avais pas d’emblée appris que le film relatait l’histoire de Nadir Dendoune, je n’y aurais pas cru, tout simplement ! « L’ascension », et c’est bien normal, nous offre des décors naturels à couper le souffle. Tourné au Népal pour toute la partie « basse » de l’Everest et à Chamonix pour les 800 derniers mètres, parce que j’imagine qu’il est tout simplement impossible d’amener des acteurs et une équipe de cinéma sur un quelconque sommet himalayen ! Plans de nuits, contre plongée, utilisation de la lumière, du flou, plans à la verticale qui donne le vertige, Ludovic Bernard fait le job et il le fait bien, et surement dans des conditions difficiles. Il n’appuie pas ses effets par une musique trop envahissante, il sait alterner les scènes de comédie pure et les scènes un peu plus dures, il donne à son film un rythme soutenu, sans faiblir et qui fait que son « ascension » passe vite et ça, c’est toujours bon signe. Ahmed Sylla donne beaucoup de sa personne dans le rôle de Samy, lui aussi probablement dans des conditions pas évidentes et, mais c’est un peu inévitable, il relègue les seconds rôles quasiment à l’état d’anecdote. Nicolas Wanczycki lui donne la réplique de fort belle manière quand même, en guide taiseux et rugueux, qui mine de rien a compris qu’il a à faire à un baratineur mais qui, pour des raisons qu’on devine dans les 10 dernières minutes, l’emmène
(presque)
au bout. Le scénario peut paraitre simple, voire simpliste, mais assez vite, et sans que cela ne soit vraiment dit ou formalisé, le défi de Samy apparait bien être autre chose qu’un défi amoureux accepté trop vite. Ce n’est pas seulement l’amour et la confiance (et la reconnaissance) de Nadia que Samy va chercher au bout du monde et au bout de lui-même. Ce n’est pas non plus, même si ça compte, la reconnaissance de la valeur du 9.3 ou de la génération qu’il incarne. C’est lui-même que Samy va chercher au bout du bout de la Terre, sa propre estime de soi qu’il a du chercher vainement pendant son enfance et son adolescence dans la Cité. La bonne idée de « L’ascension », c’est de ne pas asséner quoi que ce soit, seulement de suggérer, de laisser entendre. De la même manière, sa rencontre et son amitié avec son courageux sherpa Johnny, c’est l’ouverture à l’autre montrée de façon plus subtile que toutes les leçons sur le « vivre-ensemble ». De ce point de vue, et c’est un tout petit peu dommage, le film est un peu déséquilibré car autant les scènes au Népal sont fortes, drôles, parfois poétiques, et souvent subtiles, autant les scènes à la Courneuve sont un tout petit peu décevantes. L’humour y est plus téléphoné, les clichés plus nombreux, scénaristiquement elles sont plus « faciles », les personnages sont même un peu stéréotypés. Mais bon, honnêtement, la magie qui se dégage de toute l’histoire de Samy mérite bien qu'on ferme pudiquement les yeux sur les scènes tournées en France pour ne garder en tête que l’ascension en elle-même. Le film effleure aussi d’autres sujets, comme la commercialisation à outrance de la course à l’Everest, mais aussi les dangers de l’alpinisme de l’extrême.
C’est fait en quelques scènes : un corps qu’on descend, un hélicoptère de secours écrasé au sol, et ça suffit, pas besoin d’en montrer davantage.
L’humour du film doit beaucoup à Ahmed Sylla, habitué à la répartie puisqu’il fait du stand-up, je crois. C’est un humour moderne, urbain, qui ne plaira sans doute pas à tout le monde mais moi je suis assez cliente. Même si on ne rit pas à gorge déployée, on a quand même le sourire aux lèvres pendant tout le film, et moi je n’attends pas autre chose d’une comédie. Même si « L’ascension » n’est pas un chef d’œuvre, c’est quand même, au final, une comédie de qualité, plus subtile qu’on pourrait l’imaginer et qui en met plein les mirettes avec des paysages très très dépaysant !