J’avais envie d’être confiant après le succès mérité de "Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?", qui avait su transcender le statut du film populo-beauf bas du front auquel il semblait promis, grâce à une écriture et des dialogues épatants. J’ai voulu rester confiant, même après l’incroyable bad buzz provoqué par sa sortie en essayant de me convaincre que les critiques assassines faites au film relevaient du politiquement correct. Et puis, j’ai vu le film… Et là, force est de reconnaître qu’il s’agit d’un naufrage ! Comment peut-on, de nos jours, faire une comédie sur une communauté (en l’occurrence les Roms) avec un ton aussi premier degré et avec une écriture aussi pauvre ? Comment peut-on égrener tous les clichés inhérents aux Roms sans jamais avoir l’idée de les désamorcer ou à tout le moins, de les relativiser ? Certes, on comprend vite que Babik (Ary Abittan, convaincant malgré tout) et sa famille vont servir de catalyseur pour moquer la véritable cible du film, à savoir "les bobos de gauche bien-pensants", à travers le couple joué par Christian Clavier (dans son emploi habituel, avec ses qualités et se défauts habituels) et Elsa Zylberstein (très bien en bourgeoise se voulant artiste). L’idée n’est, d’ailleurs, pas mauvaise en soi et aurait pu (aurait dû !) insuffler une certaine épaisseur au scénario. Malheureusement, Philippe de Chauveron a décidé de taper dans le poncif outrancier, et ce à tous les niveaux… et personne n’est épargné ! Ses Roms sont, ainsi, dépeints comme une bande de dégénérés, amateurs de hérisson, voleurs à temps plein, sales, bêtes et méchants. On se prend à espérer qu’il va les faire évoluer favorablement (surtout lorsque Babik défend son hôte contre l’escroc marseillais)… ce qui aurait été , certes, attendu mais, au moins, salvateur pour le récit. Il n’en sera rien, la bande restant fidèle à elle-même du début à la fin, à coups de gags indigents. Jamais le réalisateur ne donne l’impression d’avoir la moindre empathie pour ses Roms, à tel point qu’on se demande bien pourquoi il a souhaité faire un film les concernant (sauf à vouloir se les "payer" sur grand écran, ce qui serait quand même étonnant). De Chauveron multiplie, par ailleurs, les dérapages et autres gaffes sur d’autres personnages du film. Entre
l’opposant FN qui s’avère être gay sans que cela n’est le moindre intérêt dans l’histoire, le fils du couple bobo qui va tomber amoureux d’une jeune Rom au point de l’épouser (après avoir couché avec quand même) ou encore le marseillais à accent qui est forcément un parasite menteur et séducteur
… ça fait beaucoup pour un seul film, et beaucoup trop pour plaider la simple maladresse d’écriture ! Ce n’est pas que le film soit inregardable, c’est juste qu’on a l’impression de se trouver dans un bistrot où les piliers de barre se livrent, entre deux ballons de rouge, à un concours de vannes bien lourdes auxquelles on a parfois honte de rire. Le problème est, d’ailleurs, qu’on ne rit que très peu dans le film… à quelques exceptions près comme
la première arrivée du majordome des Fougerole, les délires artistiques de l’épouse ou encore le fiston qui s’appelle Lionel.
C’est, d’ailleurs, lorsqu’il brocarde intelligentsia parisienne que le film fonctionne… au point qu’on regrette que le réalisateur ne se soit pas davantage concentré sur ce sujet au lieu de se focaliser sur la communauté Rom. Il y avait pourtant beaucoup d’autres critiques (et de vannes) à faire sur les intellectuels dit de gauche. Il faut croire que Philippe de Chauveron s’est vu trop beau (ou trop libre de ses propos) après être devenu le pourfendeur officiel du politiquement correct depuis "Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?" (titre un peu galvaudé quand même mais qui rappelle que le film osait certaines choses). C’est oublier un peu vite que si on peut bien rire de tout, encore faut-il le faire avec talent. C’est sans doute ce qui manque le plus dans "A bras ouverts" qui, outre l’outrance de son propos et le manque d’empathie avec ses personnages, souffre d’un grave problème de structure scénaristique, le film se perdant dans tout un dédale de sous-intrigues faiblardes qui n’aboutissent jamais à grand-chose d’intéressant. A fuir, définitivement !