Quand Fethi Ben Slama différencie l'Islam comme culture, de la religion islamique, eh bien ce film de Vatche Boulghourjian nous en donne une magnifique illustration. Nombre de phrases sont ponctuées de la référence à Dieu, ce sont des manières de dire, qui imprègnent la pensée et d'une certaine manière la modélisent. On peut en tant qu'occidental se révolter de la soumission des femmes, qui servent le thé, de la place dminante de l'homme dans le discours. Les femmes avancent à l'arrière plan. S'agit-il d'inégalité entre les sexes ? De différenciation des rôles et des places sexués ? En tout cas, cela n'est pas sans effet sur l'énonciation des faits, de la recherche de la vérité. Cela passe par des temps de narration ponctués de détours, d'attente : ainsi on ne se met pas à parler avant d'avoir goûté le thé. Point de précipitation. Le temps du regard, du silence, de l'observation, des questions en amont des réponses aux questions posées, sont des éléments culturels singuliers. Lorsque Rabih rend visite à celles et ceux auprès de qui il enquête, s'il demande par exemple, si son interlocutrice est bien celle qu'il a en face de lui, celle-ci lui rétorque "qui la demande ?" Comme si avant d'échanger, il fallait établir le cadre dans lequel se passera la conversation. "Tramontane" m'a évidement rappelé le film "Go Home" dans cette excursion au milieu du Liban, dans ces recherches historiques au sein d'une guerre incompréhensible, en suspens, où enterrer les faits semble la posture la moins dangereuse. Rabih est aveugle, il se découvre adopté et veut savoir la vérité sur ses origines. En fait, c'est le caché, le secret, qui est encombrant, une fois qu'on sait qu'il existe. L'issue est-elle dans le dévoilement du secret ou bien dans le fait de secouer la chape qui pesait ? Ce film est vraiment une belle réussite cinématographique!