Trieste, en fin de saison. Des hommes et des femmes âgés regardent la mer, évidée de ses touristes. Puis, les réalisateurs font un bond en arrière, au début de l'été, plantant leur caméra dans cette sorte de huis clos théâtral, une résidence balnéaire où les touristes pointent leur ticket à l'entrée comme à la piscine, dans le métro ou au cinéma. "L'ultima Spiaggia" n'est pas un reportage sur des gens qui passent un été à Trieste. C'est une mise en abîme d'une véritable comédie humaine où il est question de vie, de mort, de politique, d'amour, d'ennui, de moqueries, de handicaps, de chats et de mouettes gloutonnes, à la manière même de l'affiche constellée de ces dessins d'hommes et de femmes sur le sable blanc. Les réalisateurs sont parvenus à faire jouer leurs protagonistes sur la scène de leur propre vie. Ils se livrent ainsi totalement, parfois en toute impudeur, comme les jeunes gens le font à la télévision dans les émissions de télé-réalité. Sauf qu'ici, les réalisateurs attachent une grande importance à ne jamais verser dans le mépris ou la raillerie. Ils aiment leurs personnages, et cet amour illumine la mer rocailleuse où on les voit parfois depuis le fond noir nager. Le montage est formidablement mené. Le récit alterne avec quelques incursions dans l'histoire de l'Italie, comme des intrusions dans le souvenir de ces personnes âgées qui ont vécu l'Europe occupée, le communisme des pays de l'Est et les vagues d'immigration vers l'Italie. "L'ultima Spiaggia", au sens peut-être de la dernière scène de vie de ces personnages qui se donnent à leurs réalisateurs, constitue une balade poétique et sensible dans le cœur même de toutes nos humanités. On regrettera un format trop long, des répétitions, des excès de paroles, mais on se souviendra surtout de la générosité aimante des touristes vieillissants, pour certains d'entre eux, jusqu'à la mort.