« Il était une fois un pauvre flic de la brigade des stupéfiants (…) et là il s’aperçoit qu’il a encore plus d’ennuis avec les autres flics qu’avec les trafiquants (…) et il arrive à cette conclusion : c’est que dans la police moderne, on s’amuse tellement bien entre flics qu’on a plus besoin des gangsters. »
Après un catastrophique « Appelez-moi Mathilde », basé sur sa pièce de théâtre, Francis Veber poursuit sa carrière de scénariste avec ce « Il était une fois un flic », 20ème réalisation de Georges Lautner, référence des comédies avec des gangsters (Les Tontons flingueurs, Ne nous fâchons pas, Laisse aller, c’est une valse). Détail amusant, sous les traits de l’inénarrable Michel Constantin (une « gueule », un habitué des films de Lautner, tout comme Mireille Darc), c’est aussi la première apparition au cinéma de Campana, personnage qui sera plus tard campé par Gérard Depardieu (une autre « gueule ») dans « La chèvre » (de, forcément, Francis Veber). C’est en outre également la première apparition de Lucas (Michael Lonsdale), personnage qui sera interprété plus tard par… Gérard Depardieu par deux fois (Les Compères et Les Fugitifs, de Veber).
Très vite le personnage principal se retrouve, pour les besoins de son enquête, affublé d’une femme et d’un enfant. On notera que la paternité, réelle ou par substitution, est un sujet récurrent dans les quatre premiers films réalisés par Francis Veber (Le Jouet, La Chèvre, Les Compères, Les Fugitifs). La réalisation, elle, se situe un cran au-dessus de ces œuvres : Georges Lautner maîtrise son outil à merveille, champ-contrechamp, accélération soudaine, caméra au sol, travellings circulaires, etc.
Comme très souvent dans les scénarios de Veber, l’histoire est hachée, tiraillée entre deux intrigues, et c’est déjà le cas ici : il y a l’enquête (en lien avec la French Connection) et il y a l’apprentissage de la promiscuité familiale. La première est assez prévisible malgré quelques rebondissements inattendus et permet l’introduction de scènes d’action ; la seconde est plus attachante, simple mais aussi intelligente et touchante.
Le rythme visuel proposé par Lautner, d’une séquence à l’autre, relève l’ensemble et l’interprétation aussi. Si le jeu de Constantin paraît parfois un peu faux, ça lui donne un côté humain et maladroit ; Mireille Darc est fabuleuse de justesse avec sa diction lente et son sourire las (actrice hélas trop souvent cantonnée au statut de sex-symbol) ; Hervé Hillien est parfait de naturel en enfant de 9 ans (la direction d’enfants acteurs est souvent casse-gueule) ; les seconds rôles enfin sont entre les deux, parfois bancals, parfois dans le ton, à l’image d’un Lonsdale flegmatique ou d’un Guybet au cheveu gras et à l’air idiot. En cerise sur le gâteau, à l’exception du chauffeur de taxi à l’accent marseillais, les protagonistes niçois ont vraiment l’accent niçois et le principal interlocuteur américain… est américain (Venantino Venantini qui prononce trois mots monosyllabiques, on lui pardonne parce qu’on aime bien sa tête). Et ça, pour moi, c’est hyper important et ça témoigne du souci de précision apporté par la production.
On pourrait arguer qu’il manque un vrai acteur charismatique dans le rôle de Campana pour retrouver les sommets d’interprétation du Pacha (du même Georges Lautner, 1968, avec Jean Gabin), d’Adieu Poulet (Pierre Granier-Deferre, 1975, avec Lino Ventura) ou de la Chèvre (Francis Veber, 1981, avec Gérard Depardieu). C’est pourtant l’interprétation de Michel Constantin qui fait la différence par sa naïveté, laissant plus de place à Mireille Darc, la seule interprète féminine hormis la concierge ainsi qu’à l’enfant, le tout dans un naturel criant de vérité.
Un film que je ne connaissais pas, et donc injustement méconnu, qui n’a pas pris une ride : à redécouvrir absolument.