Pratiquement 20 ans après « La Cible » et 15 avec « Le Labyrinthe, Pierre Courrège revient avec un Homme d’État. Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut reconnaître au réalisateur-scénariste qu’il a du flair, un sacré pif pour voir ce qu’il allait se tramer à un an des élections présidentielles. En effet, « UN HOMME D’ÉTAT » ne sort que maintenant, alors que le sujet et l’écriture datent d’environ 4 ans. Ce film a eu des difficultés à ce faire. Et au vu du sujet ça peut se comprendre…
Comme pour ses précédents films, Pierre Courrège parle de politique. Mais contrairement à « La Cible » qui était une comédie policière de série B, Un Homme d’ÉTAT, est un film engagé, à enjeux et sincère. Courrège a toujours placé la manipulation dans ses sujets. On pourrait même penser que c’est son thème favori. Que chaque homme ou femme se fait manipuler.
Ce film-là pourrait déranger les journalistes, les hommes politiques, les conseillers, ceux qui sont proches du pouvoir. Le Pouvoir sur scène » comme dirait G.Balandier. Quand on regarde un homme d’État, comment ne pas penser à l’essai de ce dernier ou encore à Michel Crozier avec l’acteur et le système. Puisque dans ce film, il est clairement question de relation, de compromis, de théâtralisation et de Drame.
Le film raconte l’histoire d’un Chef d’État qui a quelques jours des élections présidentielles tente par tous les moyens de se faire réélire, alors que les sondages ne le donnent absolument pas favori.
Dans le Pouvoir sur Scène de Balandier, l’auteur nous parle du mal démocratique et selon lui, le « Drame » est celui du couple de l’Ordre et du Désordre, de la théatrocratisation et que de nos jours, le pouvoir revient aux médias et à la communication… (Passons les médias, dans le film nous les voyons pratiquement pas).
Mais la Communication par contre…, Elle est omniprésente. Le film de Pierre Courrège montre de l’intérieur le boulot des conseillers. Et que ces derniers, pour garder leur place -et ainsi donc le pouvoir- sont prêts à tout… De rompre avec leurs idées, de trahir des proches, etc… À l’occasion, il faut aussi revoir le film de Pierre Schoeller « L’exercice de L’État ».
Dans ce film tout est une partie de jeu. On joue. Pierre Santini est un homme qui aime le jeu : Le Rugby, la pétanque, le jeu d’échec…Face un Patrick Braoudé ( qui a des airs de Hollande, Berlusconi et Sarkozy) ambitieux, méprisant et assoiffé de pouvoir qui ne pense qu’à gagner. Chacun d’eux avancent leurs pions petits à petit jusqu’au dénouement. Le Roi sera-t-il gagnant ou perdant face à l’éventuel bouffon ? C’est donc un duel de fin stratège, ou les rôles sont multiples au milieu d’une femme.
Cette femme jouée par la délicieuse et prometteuse Samia Dahmane. Jouant une opportuniste ambitieuse que rien n’arrêterait pour être là au bon moment. Mais qui, au cours du récit changera elle aussi de visage, par sa rencontre avec ce « fameux lion » de Santini, qui la fera douter et lui montrera un nouveau regard. Ce qui la rendra de plus en plus attachante. En soi, elle sera tout aussi manipuler que manipulatrice.
Pierre Courrège aime ces personnages et ça se voit. Chacun d’eux, malgré les coups bas et la manipulation qu’ils procurent ont un moment d’intimité ou le masque tombe pour laisser présager la véritable nature des protagonistes.
Et notamment, celle du président Braoudé où, dans l’une des pièces de l’Élysée, danse sur « Vie violente de Nougaro ». Un très beau passage. Comme pour montrer, que le jeu se termine et que tout ça n’est que facette et que seul importe, au fond, les petits plaisirs de la vie…
La Fin du film confirme l’hypothèse de Crozier qui considère que le pouvoir est seulement une interaction d’échange et de compréhension du système. Rappelant les 4 sources :
- Les règles de l’organisation
- L’environnement du lieu
-La maitrise d’une spécialité
-Et les informations interne.
Et que même le plus faible a du pouvoir, et qui ne faut pas le sous-estimer.
Un homme d’état est un film complexe mais nécessaire, jouant sur l’ambivalence des personnages, leur choix d’action et la répercussion que cela fera. Le film tient essentiellementsa force par la qualité des acteurs, du dialogue et de la mise en scène dynamique. On ne s’ennuie pas et on ne voit pas les 90 minutes passées.