Pascal Laugier est peut-être le seul cinéaste hexagonal œuvrant dans l’horreur qui continue à construire sa filmographie en France. C’est-à-dire qu’il ne change pas de genre ou n’exporte pas son talent à l’étranger alors que le cinéma à tendance horrifique, gore ou fantastique semble décidément maudit chez nous malgré des expériences très réussies (« Haute tension », « Frontière(s) », …) mais qui n’ont pas rencontré leur public. Après « Saint-Ange », « Martyrs » et « The Secret » le voilà donc de retour avec « Ghostland » qui a cependant la particularité d’avoir été tourné au Canada et en langue anglaise malgré un financement français, ce qui explique certainement la pérennité de ses films… Toujours aussi radical et éprouvant, son cinéma prend la forme d’une œuvre cohérente avec la récurrence de certains thèmes tels que la violence ou l’enfance meurtrie. Cependant, encore une fois, point de fantastique ici mais plutôt un film de terreur et de séquestration, très gore et violent, à la manière d’un « Saw » ou d’un « Hostel » sans qu’aucun phénomène paranormal intervienne en dépit de ce que pourrait laisser croire la promotion.
Dans tous les cas, son jusqu’au-boutisme dans des films extrêmes est à saluer. Pour ceux qui veulent des sursauts de bas étage vus et revus comme certaines des productions Jason Blum, il faudra repasser. Même si trois ou quatre fois le metteur en scène ne peut s’empêcher d’insérer quelques jumpscares inutiles et qui ne fonctionnent pas, on adore le fait qu’il n’ait pas son pareil pour distiller des ambiances poisseuses et malsaines. On pourra regretter que le découpage des scènes d’action ou de violence soit si épileptique, nous empêchant une bonne vision de ce qui se passe et que la psychologie de ces deux méchants ne soit pas plus fouillée. En effet, leur look est tellement probant, original et impressionnant qu’il donne envie d’en savoir plus. Mais peut-être est-ce pour entretenir le mystère… S’il faut retenir quelque chose de « Ghostland », c’est bien son incroyable twist central qui offre une toute autre perception du film car pour le reste l’intrigue est très mince et balisée. Mais ce rebondissement inattendu et malin rebat les cartes de la plus belles des manières.
D’ailleurs, le long-métrage repose peut-être un peu trop sur cela et son atmosphère délétère. Une ambiance glauque permise par des décors adéquats, des psychopathes qui foutent la trouille, des accessoires baroques (les poupées), des références bien envoyées et une violence extrême et sans concessions. « Ghostland » apparaît quelque peu comme la synthèse de l’inatteignable « Martyrs », le chef-d’œuvre brutal et mémorable du réalisateur, et de son excellent thriller « The Secret », avec ses révélations surprenantes et son climat étrange. Laugier est un excellent conteur d’histoires qui font peur et remue les tripes mais son dernier opus, s’il divertit en ne nous laissant aucune minute de répit, n’atteint pas l’excellence des deux films cités plus haut. Il les conjugue plutôt pour un résultat appréciable mais moins surprenant si ce n’est cette fameuse révélation. Un grand huit de terreur plein de hargne et réalisé avec soin qui reste bien au-dessus de la production horrifique actuelle par sa radicalité et son amour pour le genre.
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