Depuis le terrifiant ‘Martyrs’, Pascal Laugier s’est imposé à mes yeux comme l’un des réalisateurs d’épouvante les plus doués de sa génération, l’un des rares à mériter le qualificatif “d’auteur� dans un milieu où l’usage est plutôt de confier à des tâcherons anonymes le soin de reproduire des concepts et effets répétitifs. Et si ‘Ghostland’ utilise la présence de Mylène Farmer - qui s’en sort avec les honneurs, d’ailleurs - à son casting pour appâter le chaland, le résultat prouve que Laugier n’a besoin d’aucun artifice médiatique pour convaincre. Niveau scénario, évidemment, on retrouve certains gimmick traditionnels du genre : Beth a construit sa carrière de romancière à succès sur un traumatisme d’adolescence, l’agression brutale dont elle fut victime, avec sa mère et sa soeur, dans la maison qu’elles occupaient alors, une agression dont sa soeur ne s’est psychologiquement jamais remise. Lorsqu’elle reçoit un coup de fil paniquée de cette dernière, Beth revient sur les lieux du drame pour y découvrir une situation normale en apparence...mais une succession d’événements étranges semblent indiquer que le cauchemar est sur le point de recommencer. Durant la mise en place de ces éléments, ‘Ghostland’ ne diffère d’ailleurs que très modérément des pratiques et des ficelles qui consistent à transformer une demeure familiale en entité menaçante. Arrive le point de rupture, quand le twist narratif, loin d’être inédit mais très correctement amené, est révélé alors que le film n’en est qu’à ses deux-tiers : le scénario replonge alors dans des formules éprouvées, dans un genre toutefois un peu différent de ce qui a précédé. En dépit de ce classicisme apparent, ‘Ghostland’ surclasse sans difficulté l’écrasante majorité des productions du même genre, et cette réussite est à mettre au crédit exclusif de Laugier. Labyrinthique, envahi de bibelots d’un autre âge, de trophées de chasse et d’une effarante collection de poupées anciennes, le cadre domestique où vivent Beth et sa famille est intrinsèquement anxiogène : dans le cinéma d’horreur contemporain, je ne vois que Rob Zombie pour oser un décorum aussi baroque et pour lui accorder autant de soins, au point d’en faire un protagoniste à part entière du récit, et la familiarité entre ces deux passionnés se ressent d’autant plus lorsque la menace devient explicite. Ensuite, l’exposition de la violence à l’écran, Laugier l’a toujours voulu extrême, frontale, choquante même quand elle est suggérée, et elle fait ici honneur à sa réputation, transformant certains clichés d’un Genre qu’on suit d’ordinaire d’un regard blasé en séquences authentiquement dérangeantes. On aurait tendance à l’oublier mais c’est très exactement ça, ce que doit être le cinéma d’horreur : quelque chose qui vous retourne, dont les images vous hantent longtemps après et qui vous empêche de fermer l’oeil tranquillement en allant vous coucher.