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Laurent C.
262 abonnés
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4,0
Publiée le 21 juin 2017
A priori, le titre n'est pas racoleur. Et pourtant derrière ce drôle de récit, se cache une pépite d'émotion et de beauté. Nous voilà transportés en Egypte, au Caire. Pour une fois, nous n'assistons pas un énième plaidoyer politique contre le régime en place, ou la défense des femmes. "Ali, la chèvre et Ibrahim" est une œuvre hybride entre le conte, la satyre sociale et le road-movie à travers l'Egypte. Marque de taille : la photographie est magnifique. Le spectateur découvre un pays somptueux grâce à une lumière très bien pensée, un regard de la caméra au plus près du vivant et des monuments égyptiens, et surtout deux acteurs tout aussi attachants que véritables pourfendeurs de leur beau pays. L'histoire s'inspire des contes merveilleux des 1000 et 1 nuits, où il est question du rapport de la société égyptienne à la différence, à la femme, à la spiritualité et à la liberté. D'un côté, il y a Ali, un illuminé amoureux de Nada, sa chèvre. De l'autre, il y a Ibrahim, hanté par un acouphène monstrueux. Et tous deux partent pour chasser le démon qui les habite. On part avec eux, dans les trains, à dos de chameau, dans des arrières de camion. On part surtout avec eux, en pleine amitié. Car ce film est un hymne pudique à l'amitié qui oblige chacun de nous à fuir les préjugés pour penser le réel. Les personnages sont beaux, drôles, tout autant que les paysages qui transcendent le récit. "Ali, la chèvre et Ibrahim" est une œuvre généreuse, délicate et bien plus profonde que ne laissent penser les apparences.
Dur, dur pour le cinéma des pays dits émergents de s’imposer : « Ali, la chèvre & Ibrahim » est le premier long métrage de Sherif El Bendary, un jeune cinéaste né au Caire en 1978 qui nous livre – pour ma part - un chef d’œuvre alors que les 13 critiques « professionnels » d’Allo-Ciné ne lui accordent que 3 sur 5. Après une magnifique introduction guidée par un gros ours rose dans les rues du Caire la nuit au son d’une chanson dont nous n’avons pas hélas la traduction, on découvre 2 personnages : 1) Ali (Ali Sobhy) qui passe pour l’idiot du quartier car il est amoureux de sa chèvre Nada « qu’il aime car elle a une âme comme les humains ». Il la comprend parfaitement d’autant qu’elle « sait ce qui va arriver » et il la traite comme sa fiancée au grand malheur de sa mère. 2) Ibrahim ( Ahmed Magdy), ingénieur du son, est issu d’une famille douée pour la musique mais sur laquelle un Oud a jeté un sort, la survenue inopinée d’acouphènes effrayants. Son grand-père qui était un musicien très connu en est venu à se rendre sourd pour ne plus entendre ces bruits déchirants, sa mère s’est suicidée pour la même raison, son père a fui son métier et Ibrahim n’arrive plus à travailler même s’il n’a pas touché à cet instrument de musique depuis l’âge de 5 ans. Pour conjurer ces 2 malheurs, un guérisseur leur remet 3 pierres magiques qu’il faut aller jeter dans les 3 eaux de l’Egypte : la méditerranée, la mer rouge et le Nil … Les 2 jeunes hommes vont ainsi apprendre à se connaitre et à comprendre leurs souffrances et aspirations dans ce périple qui – avec Nada, la chèvre – va nous mener à Alexandrie, au pied du mont Sinaï puis au Caire. Les propos échangés paraissent au début un peu dénués de sens mais ils prendront toute leur signification quand on apprendra le pourquoi du sort d’Ali. Ce premier « goat-movie » du cinéma est d’une grande profondeur et tendresse. Même si le film comporte de nombreuse scènes cocasses, drôles voire déjantées comme le « superman super-sonore » que devient Ibrahim à la fin du film pour sauver son ami, c’est également – je pense – un cri de désespoir de ce jeune cinéaste égyptien qui se sent enfermé dans la tradition de son pays que la révolution n’a pas assez changé et avec ses fléaux modernes (l’oppression d’une ville surpeuplée, la police toute puissante, la drogue, la prostitution …). Ce film ou mieux ce conte ou fable nous montre comment avec une histoire assez simple on peut exprimer des sentiments très profonds et débordant largement le strict cadre de l’histoire. Un cinéma nouveau d’un très grand esthétisme et un cinéaste prometteur … à voir absolument !
Le titre peut faire craindre un "gentil" film, à l'image de "la vache" sorti il y a quelques mois. C'est une œuvre beaucoup plus intéressante, qui oscille entre comédie décalée, récit initiatique et document social sur l'Egypte d'aujourd'hui. Une bonne surprise, à voir.