A priori, le titre n'est pas racoleur. Et pourtant derrière ce drôle de récit, se cache une pépite d'émotion et de beauté. Nous voilà transportés en Egypte, au Caire. Pour une fois, nous n'assistons pas un énième plaidoyer politique contre le régime en place, ou la défense des femmes. "Ali, la chèvre et Ibrahim" est une œuvre hybride entre le conte, la satyre sociale et le road-movie à travers l'Egypte. Marque de taille : la photographie est magnifique. Le spectateur découvre un pays somptueux grâce à une lumière très bien pensée, un regard de la caméra au plus près du vivant et des monuments égyptiens, et surtout deux acteurs tout aussi attachants que véritables pourfendeurs de leur beau pays. L'histoire s'inspire des contes merveilleux des 1000 et 1 nuits, où il est question du rapport de la société égyptienne à la différence, à la femme, à la spiritualité et à la liberté. D'un côté, il y a Ali, un illuminé amoureux de Nada, sa chèvre. De l'autre, il y a Ibrahim, hanté par un acouphène monstrueux. Et tous deux partent pour chasser le démon qui les habite. On part avec eux, dans les trains, à dos de chameau, dans des arrières de camion. On part surtout avec eux, en pleine amitié. Car ce film est un hymne pudique à l'amitié qui oblige chacun de nous à fuir les préjugés pour penser le réel. Les personnages sont beaux, drôles, tout autant que les paysages qui transcendent le récit. "Ali, la chèvre et Ibrahim" est une œuvre généreuse, délicate et bien plus profonde que ne laissent penser les apparences.