Surtout ne jamais s'arrêter aux stéréotypes d'une société japonaise paisible et harmonieuse. Derrière ces banlieues pavillonnaires bordées de forêts magnifiques, vivent des familles avec leurs douleurs, leurs secrets et leurs violences refoulées. "Harmonium" raconte le récit d'un père de famille, Toshio, lequel tient une petite entreprise de montage, héritée de son père, qui, du jour au lendemain, se retrouve nez à nez avec un ami de très longue date, récemment sorti de prison, qu'il reçoit chez lui et dans son atelier, contraint par un secret qu'on imagine qu'ils portent ensemble. C'est ainsi le début d'une intrigue aux effets dramatiques puissants. Tout est soigné, calme, tranquille, et pourtant dans la minutie des gestualités, des regards, se cachent le mensonge, le non-dit et l'épouvante des rapports sociaux. Non, l'enfer, ce n'est pas les autres. Admirablement contenu dans cet harmonium, instrument autant d'éclat que de douceur, le film déroule avec brio une famille au quotidien, au bord de la destruction, et pourtant parvenant toujours à gérer les fausses notes ou à jouer sa vie sans partition. "Harmonium" est une œuvre absolument magique et intense. Le spectateur ne s'ennuie pas un seul instant malgré les deux heures, et rentre dans l'intimité de cette famille, comme il le ferait dans un voyage s'il y était invité. On mange avec ces gens, on partage avec ces gens des morceaux de quotidien et des promenades, on tremble avec eux face à l'immensité tragique qui s'opère. Voilà de nouveau un grand film japonais qui invite au voyage, à la méditation et à la beauté.