Farce mélancolique. Si on sait prendre son temps, aucun ennui n'est à craindre avec ce film, d'un esprit assurément nonchalant voire flâneur mais jamais poussif car cocasse, subtil, absurde, ironique et particulièrement symbolique derrière ses aléas séquentiels. Cet inattendu road movie repose, égaye, interloque, réconforte ou dérange un peu.
"Vous tombez bien, vous allez Médée... On va l'enterrer un peu plus haut, dans le prêt...";-) / "Au fait, je préfère les chiens / ...Quel con!"
Le protagoniste semble cependant trop lisse, trop poli. Avec son faux-air de niais, presque inflexible, désabusé, il fait preuve d'une froide bienveillance, poussé à produire des réparties cérébrales irréalistes. On navigue dans une certaine théâtralité assez incongrue, ponctuée d'humour. Etouffé dans son libre-arbitre ou débarrassé d'une scène trop lourde, en perte d'un soi qu'on imagine démoli et en quête d'un ailleurs inaccessible, Pierre répond à l'absurde par l'absurde, quasi sans attache, sans foi mais loyal, à peine guidé par la piste grinderienne, liberté en trompe-l'oeil, appât à double tranchant. Car il y a Paul (pas de Jacques)... Dans ce couple miné par une sourde querelle, l'un (se) fuit et l'autre cherche, jusqu'aux frontières du pays, comme la démonstration d'un échec de la communication. On parcourt ainsi une série de situations, d'échanges saugrenus néanmoins cohérents, au sens parfois mystérieux, qui amusent et questionnent à la fois. Ce Pierre roule, se dérobe, s'échappe vers nulle part; la signification du tout nous rattrape sur le tard, fonction de l'aptitude au déchiffrement du spectateur.