Loin derrière « Orgueil et Préjugés » et « Reviens-moi », Joe Wright semble vouloir retourner aux sources de sa mise en scène. On zappe les expériences douteuses du type « Pan » et on s’attaque à un sujet qui n’a pas été modéré ces dernières années. On n’hésite pas à contempler les ponts vers d’autres œuvres, comme « Le Discours d’un Roi » ou « Dunkerque », pour en citer un récent. La Seconde Guerre Mondiale ouvre ses portes sur le Royaume-Uni, dernier rempart de l’Europe Occidentale contre l’oppression d’Hitler. Qu’il s’agisse d’un Roi ou bien un général, il fallait une personne pour guider le peuple vers la sécurité, mais avant tout la victoire. Le film nous rappelle alors que l’ordre règne par la gestion d’une nation avec comme seules armes, la foi et le discours.
Winston Churchill est au centre du propos. Nommé Premier Ministre en pleine guerre, nous suivons son ascension et son parcours qui le mena à endosser la responsabilité d’une noble nation, face à son extinction. Gary Oldman lui donne un charisme implacable, en plus d’un maquillage totalement bluffant. Toujours dans l’urgence, la mise en scène persiste à partager ce sentiment de détresse. Nous sommes loin du biopic que l’on aurait pu avoir, avec une sobriété sans identité et sans saveur. Or, Wright parvient à rendre l’atmosphère pesante dans ce huis-clos politique, au cœur de structures londoniennes claustrophobiques. On aurait donc pu enchainer des heures d’analyse sous un style documentaire, mais on se contente de propose une expérience théâtrale mettant en avant un auditoire face à l’un des orateurs les plus emblématiques du XXème siècle.
La guerre prend position par des mots, véhiculant des valeurs positives et patriotiques, tout ce dont le monde avait besoin pour exister et pour résister. Nul besoin de joutes oratoires afin de distinguer le bon sens du sacrifice. Ne pas lâcher les armes, tel est l’intention de Churchill dans cette lutte qui ne profite pas toujours aux Alliés. Les Nazis envahissent sans peine, mais le Royaume-Uni ne recule pas d’un pas, grâce à la conviction d’un seul homme. Parti d’un caractère impulsif et repoussant, le politicien ne fait pas l’unanimité où qu’il aille. Cependant, il reste saisissant dans plusieurs aspects. On nous plonge dans un univers so british, où chaque ligne de dialogue porte un lourd fardeau, une lourde responsabilité. Il n’est donc pas question de savoir si le choix est le bon, tant que l’intention derrière est légitime. Churchill devient un fort symbole de résistance dans les moments les plus durs et il incarne parfaitement le cœur d’une nation qui n’est pas prête à accepter le sacrifice en vain de ses soldats, pour le bien commun.
« Les Heures Sombres » canalise ainsi toute une noblesse dans le parcours très fastidieux d’un politicien. La force des mots influence un jugement net sur l’orateur. Soit on accepte son parti, soit on résiste, mais rien ne n’empêche de rassembler une foule qui soutient aveuglement la liberté. La visée politique est à la portée de tous dans ce récit, où le rythme et la délicieuse performance d’Oldman, car on y dévoile un côté hautement humain. Que ce soit dans le ton, dans la gestuelle ou dans la spontanéité, on ne ressent que du vrai, dans l’ombre de cette guerre où les enjeux se multiplient de jour en jour. Ainsi, l’espoir est préservé du côté nord de la Manche et le climat peut enfin tourner dans un ultime ralliement pour la survie.