Le pitch était intéressant. Ça, c’était avant que je ne sache que ce film n’était rien de plus qu’une nouvelle adaptation à l’écran du roman éponyme de Thomas P. Cullinan. Oui, j’ai bien dit « nouvelle adaptation », puisque Don Siegel avait mis en scène la première mise en images avec dans les rangs… un certain Clint Eastwood. Et comme je ne connais pas la version papier, à l’inverse de la version cinéma de 1971, cet avis sera exclusivement tourné dans un premier temps vers le film de Sofia Coppola, dont l’entame fait un peu penser au conte « Le petit Chaperon rouge ». La caméra s’attarde sur une jeune fille qui se promène dans les bois, armée d’un panier à la main. Point de cape rouge, mais elle doit bien habiter quelque part, cette petite ! Mais au lieu de tomber sur le grand méchant loup, voilà qu’elle tombe pour ainsi dire nez à nez avec un soldat de l’Union blessé. Chers lecteurs, chères lectrices, nous voilà projetés en 1864, au moment même où la Guerre de Sécession fait rage déjà depuis trois années. Et déjà, par cette cueillette impromptue de soldat blessé, le spectateur sait que la tension va s’organiser autour de lui et des personnes qui vont être amenées à s’occuper de lui. En effet, lui et le pensionnat de jeunes filles ne font pas partie du même camp. Si Colin Farrell, Nicole Kidman, Kirsten Dunst constituent le plus gros de l’affiche, ils n’en sont pas moins que de la poudre aux yeux. Certes ils jouent à merveille leur rôle, mais il n’y a aucune réelle surprise. Nicole Kidman est superbe de raffinement, Kirsten Dunst est touchante de sensibilité, Elle Fanning joue bien le coup de la jeune prédatrice sexuelle, et Colin Farrell se fait aussi agréable que possible pour éviter que ces jours ne soient comptés. Mais est-ce la seule raison ? Imaginez un peu : il est le seul homme de la maison, à la merci de sept femmes et jeunes filles… Autant dire qu’il y avait de quoi jouer avec l’emprise psychologique : la méfiance mutuelle, les désirs, les jalousies, les frustrations… sauf que cette emprise n’est pas développée plus que ça. Oh je ne dis pas qu’elle est absente, non. Mais ça méritait une exploitation plus fouillée. C’est dommage, le spectateur n’en ressortira pas plus ému que ça, même s’il trouve Colin Farrell impressionnant quand celui-ci découvre son nouvel état, en plus d’être touché par les deux rôles féminins adultes tenus par Kirsten Dunst et Nicole Kidman pour les raisons évoquées plus haut. La primeur a été donnée à l’esthétique du film, déjà visible à l’affiche, tout comme l’a fait remarquer (à juste titre) l’internaute cinéphile BenoitG80. Les décors offerts par le pensionnat et les costumes sont comme des fenêtres ouvertes à la fois sur la personnalité et le niveau de vie des habitantes. En fait de niveau de vie, je devrais parler plutôt de leur éducation. Mais « Les proies » millésime 2017 se distingue surtout par la qualité de sa photographie, certes sublimée par l’éclairage tamisé qui confère une ambiance feutrée et pour le coup intimiste, comme pour protéger ce lieu des horreurs de la guerre malgré le parti pris de ses pensionnaires. En somme, l’établissement apparait comme un écrin de confort au raffinement satiné quelque peu anachronique avec ce qu’il se passe en dehors de la propriété. Malgré tout, cette protection est fragile, nous le savons tous, surtout en temps de guerre. La preuve en est donnée ici avec cette brèche béante créée par l’arrivée de ce soldat blessé, une intrusion invitée qui a vite fait de chambouler les habitudes et de bousculer le bon ordre de marche de la maison. Ajoutons à cela une fin décevante à cause d’un manque de clarté au niveau du récit parce que finalement, qui sont les proies ? Les bonnes âmes du pensionnat, ou… le soldat ? Si on prend en compte le titre qui a été décliné au pluriel, on pourrait avancer une supposition avertie, mais… arrivé au bout du film, j’en suis venu à me demander qui étaient les proies… ou qui était la proie. A moins que… chacun des personnages ne soit devenu une proie… A vous de voir et de faire votre propre idée. En dehors de ça, quand on connait l’œuvre de Don Siegel, on était en droit d’attendre un angle de vue différent. Eh bien non. Jamais un film n’a aussi bien porté le nom de remake que celui-là. Mieux, on retrouve des répliques similaires à celles du film de 1971, pour certaines carrément au mot près. Alors ? Un remake parfait ? Ma foi, je ne vois pas bien l’intérêt de proposer un film semblable en bien des points au film de départ. A part le fait de vouloir dépoussiérer tout ça…