Hollywood, automne 2015
La porte du bureau de Youree Henley ( producteur associé de Sofia Coppola) s'ouvre joyeusement. Apparaît alors la réalisatrice de "Virgin suicides" au comble de l'excitation. Tout en s'asseyant prudemment pour ne point froisser sa robe Louis Vuitton, elle déclare :
" - J'ai trouvé mon prochain film. Je vais faire un remake de "La petite maison dans la prairie" ! Cette ferme isolée au milieu de champs de blé dont les épis balancent au gré du vent ou qui courbent au passage de ces jolies jeunes filles vêtues de cotonnades volantées, c'est un sujet en or pour moi, qui adore traquer le vide !"
C'est la stupeur qui a empêché Youri de couper la parole à la réalisatrice. Ce n'est qu'après avoir avalé un verre de Coca zéro qu'il parvient à balbutier :
- Ecoute chouchou, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée. Pense à ton image de muse fashion. Comment arriver à sublimer un truc aussi ringard ?
- Mais je veux filmer des jolies robes longues, moi ! trépigne, boudeuse Sofia....
France, fin d'été 2017, sort sur les écrans, "Les proies" ( avec une affiche au stylisme impeccable). Toute la planète mode et journalistique branchée essaie de se pâmer sur ce remake d'une série B de Don Siegel, finalement préféré à l'adaptation ciné de l'inénarrable feuilleton télé. Et croyez-moi, ils sont forts pour dénicher dans ce navet intégral de quoi appâter le futur spectateur : sensualité, érotisme, perversité, actrices formidables, acteur magnifique, adaptation épicée et pour les cinéphiles, cohérence thématique, prise de risque érotique, film désespéré et solaire, allégorie gothique, ...
Sur l'écran, je n'ai absolument pas vu cela. De cette histoire de soldat yankee trouvant refuge dans une (bien peu crédible ) école pour jeunes filles sudistes ( riches et donc corsetées), qui aurait pu être tendue et vénéneuse, Sofia Coppola arrive à tirer son film vers le vide sidéral. Après avoir gommé toute connotation politique et raciste, elle cantonne son film à un huis clos entre un mâle et sept personnages féminins ( dont 4 petites filles). En gros, l'introduction de ce personnage masculin ennemi au milieu d'un gynécée et de la charge érotique qu'il crée, devait aboutir à un thriller sensuel ou sexuel. Seulement, Sofia Coppola ne sait absolument pas filmer la sensualité, ni donner un quelconque rythme à son récit. Colin Farrel devant sa caméra à le charisme d'un chien galeux et le désir des pucelles de cette maisonnée se traduit par l'ajout d'une vague broche sur un corsage. Très difficile de croire alors à tous ces supposés émois qui doivent envahir les corps.