The Beguiled, " le séduit" ou "les séduites", une adaptation en demi-teinte par Sofia Coppola. A la différence du premier film de Don Siegel de 1971, le film est recentré sur les personnages féminins. Disparaissent les aspects racistes et incestueux du premier film. Le caporal nordiste est confronté exclusivement à un microcosme féminin, où frustrations sociales et sexuelles, peurs et désirs, rêves et renoncements des femmes, jeunes filles et fillettes vont faire du soldat une marionnette objets des querelles, jalousies et mensonges que nourrissent ces femmes les unes envers les autres. Les dialogues sont épurés, les contacts avec le monde extérieur pratiquement inexistants, contrairement au premier film. Les soldats sudistes apparaissent comme des spectres, des ombres, entraperçus ou croisés un court moment.
Sofia Coppola, fidèle à son écriture cinématographique privilégiant l'image et la photographie sur les dialogues, fait de chaque plan, de chaque couleur, de chaque espace, de chaque lumière, les éléments clés du récit. Nul besoin de dialogues. Des espaces extérieurs sombres, verdâtres, brumeux, autour du jardin et de la maison, forment une sorte de forêt des sortilèges et démons, de cauchemars et de violences que recèle le monde extérieur en guerre.
Qu'une petite fille s'y aventure pour y ramasser des champignons ou y secourir de petits animaux, son innocence qui la poussera à introduire dans l'espace clos d'une belle demeure blanche, à colonnade, sorte de temple sacré dédié à une fausse idée de la féminitié, un démon/soldat, objet de tentations, puis d'un déchaînement de violence et de haine, la pureté apparente de ce pensionnat de jeunes filles vole en éclat dès les premières images du soldat que l'on installe dans le salon de musique, lieu symbolique du pensionnat.
Sofia Coppola apporte un soin extrême à l'évolution des couleurs et à la confrontation des teintes claires, roses, bleues, etc des robes, à celles du dehors , vertes et bleues, sombres ou de l'uniforme du soldat. Comme les roses du jardin, que tente en vain de libérer le caporal nordiste, les costumes et pièces de la vaste demeure sont immaculés, excepté le salon de musique souillé par le sang du soldat. Chaque objet de la maison, chaque bougie, le lustre de cristal brisé, les chemises de nuit de dentelles blanches, les corsets éclatant des femmes tenus par de petits boutons bien fragiles, tous évoquent les différents caractères de ses femmes qui depuis 4 ans de guerre de Sécession tentent de se protéger des violences guerrières masculines, de la mort qui a emporté maris, frères et fiancés, et de protéger le souvenir d'une culture sudiste, européenne, où les femmes sont cultivées mais recluses, condamnée à rêver une vie de livres et de partitions sans possiblité de se confronter au monde réel.
Le casting est excellent, l'interprétation homogène et pertinente.
Malgré le talent de la réalisatrice, cette écriture très visuelle, épurée, manque quelques fois de dialogues, de scènes qui donneraient aux différentes relations entre le soldat et chacunes de ces femmes, plus de force et de sens.
Pour ma part, un film visuellement intéressant, du très bon Sofia Coppola.